Entretien exclusif avec Romain Girbal et Thibault Launay, les fondateurs de la jeune pépite industrielle qui a séduit le Tout-Paris (Montebourg, Niel, Lauvergeon...). Leur projet : devenir un acteur mondial de référence dans l'extraction de bauxite.

Décideurs. Votre projet d’extraction minière repose sur un impressionnant gisement de bauxite. Comment une start-up a-t-elle pu mettre la main sur ce permis ?

Romain Girbal et Thibault Launay. Alliance Minière Responsable (AMR) s’est construit autour de ce projet d’exploitation de bauxite guinéenne, un minerai utilisé pour la fabrication de l’aluminium très demandé dans les industries automobile, le BTP et l’agroalimentaire notamment. Alors que nous travaillions à Londres dans la finance, nous nous sommes rendus dans ce pays : nous nous sommes trouvés au bon endroit, au bon moment ! À la suite de l’élection présidentielle de 2010, KPMG a fait la revue des cadastres miniers en Guinée et 818 permis d’exploitation ont été annulés. Une aubaine pour les nouveaux acteurs tels qu’AMR. Avec Thibault, notre ambition était d’investir dans un projet à fort potentiel bauxitique et situé proche de la mer afin d’exporter efficacement le minerai. C’est exactement ce qui nous a été accordé. Ensuite, nous avons commencé à financer ce gisement avec nos propres fonds, avant de partir à la recherche d’investisseurs.

 

Décideurs. Vous avez finalement levé ces fonds (plus de 10 M€). Le tour de table a connu un vrai écho sur le marché, notamment en raison de l’équipe et des conseils qui vous soutiennent. 

R. G. Parvenir à lever des fonds en Guinée pour un projet minier, en pleine crise Ebola, c’est synonyme d’immenses espoirs. Arnaud Montebourg nous a immédiatement apporté son soutien, sans contrepartie puisqu’il a refusé les actions que nous lui avons proposées, mais à condition que la société reste française. C’est pourquoi une holding tricolore détient l’entreprise guinéenne exploitant le permis. L’ancien ministre nous a ensuite présentés aux personnes qui pourraient faire grandir AMR. Tous les investisseurs sont français : Anne Lauvergeon, Édouard Louis-Dreyfus, Alain Mallart, Daniel Lebard, Arié Flack, Xavier Niel ou encore Laurent Musy (ancien de Pechiney). Objectivement, nous n’aurions pas réussi sans Arnaud Montebourg ! Les différents tickets nous ont permis de faire des analyses très poussées du gisement (plus de 900 forages).

 

Décideurs. Quels sont vos objectifs en matière de rendement et donc de chiffre d’affaires ?

R. G. Aller en Guinée, c’est une décision tout autant logistique que géologique. Le pays détient 52 % des réserves mondiales de bauxite et le minerai est toujours de qualité (le nôtre a une teneur moyenne d’alumine de 44-45 %). Encore une fois, nous avons l’un des permis les plus proches de la mer. D’autres ont fait des choix plus contestables : disposer de la plus grande réserve de bauxite ou avoir la meilleure qualité au monde. Par conséquent, ils sont à 300 km des côtes… Notre bauxite fait partie du haut de la fourchette au niveau international et nous avons davantage de réserves que prévu : nous avons au moins 430 millions de tonnes de bauxite à extraire et un potentiel de 650. L’objectif est d’exploiter cinq millions de tonnes par an et de passer rapidement à huit. À un prix de 40$ FOB, la bauxite rapporterait 200 millions de dollars par an dès la première année. Nos clients sont les raffineries, avec qui nous signons des contrats d’offtake et par lesquels ils s’engagent à acheter une certaine quantité de bauxite par an.

 

Décideurs. On peut se poser la question de prochains tours de table ou partenariats stratégiques avec de grands groupes. Qu’en est-il pour les prochains mois ?

R. G. Même si nous pouvons voir venir, nous ouvrirons probablement notre capital à de nouveaux partenaires pour la deuxième phase de notre développement afin d’accélérer le processus pour la mise en production. En fonction des opportunités et des rencontres, il serait effectivement intéressant de pouvoir renforcer l’aspect « Alliance » d’AMR. On reste aussi ouvert à de potentiels partenariats qui permettraient d’accélérer le projet, notamment du côté des instances publiques. À moyen terme, la question de la construction d’une raffinerie d’alumine se posera, mais c’est un investissement conséquent (environ 1,5 milliard d'euros). Aujourd’hui, nous sommes déjà le seul acteur français présent dans la bauxite et c’est une immense fierté. 

 

FS

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