Xavier Caïtucoli (Direct Énergie) : « Nous visons 10 % de part de marché d'ici à 2020 »
Décideurs. Direct Énergie a désormais treize ans d'existence et réalise plus d'un milliard d'euros de chiffres d'affaires. Quelles sont vos ambitions pour les prochaines années ?
Xavier Caïtucoli. Nous visons 10 % de part de marché d'ici à 2020. Des résultats qui se matérialiseraient par plus de trois millions de clients en électricité (contre 1,8 million aujourd'hui) et 1 million de clients en gaz. Pour y parvenir, nous avons mis en place une stratégie se déclinant en quatre orientations. La première demeure le développement de notre activité sur notre marché domestique. À ce jour, 90 % de la population est cliente chez EDF. Cela témoigne d’un potentiel de croissance considérable. Le deuxième axe repose sur notre déploiement à l’international. Nous sommes désormais présents en Belgique où nous disposons déjà de 60 000 clients sous la marque Poweo. Cela doit valider notre capacité à nous déployer en dehors de nos frontières. Une fois que l’ensemble de nos process seront validés, nous nous tournerons vers d'autres pays proches de la France. Le troisième axe de croissance est celui des services innovants. Enfin, la quatrième orientation est relative au développement de nos capacités de production en propre. Nous avons ainsi fait l'acquisition d'une centrale à gaz auprès du suisse Alpiq pour un montant de 45 millions d’euros. Une installation qui dispose d’une puissance de 408 mégawatts. Nous en construisons actuellement une seconde en Bretagne. Ce projet représente un investissement de 450 millions d’euros.
Décideurs. Cette stratégie d’intégration verticale de votre groupe implique également l’intégration de nouveau métier.
X. C. Notre société a été créée pour cela. Nous avons volontairement commencé par l'aval du marché avec l'ambition de s'intégrer en amont. La culture industrielle est présente au sein de notre entreprise depuis ses premiers jours. Dans nos équipes, il n'y avait effectivement pas d'équipe directement en charge d’exploiter au quotidien des sites industriels de cette nature. Nous pouvons désormais capitaliser sur ce savoir-faire opérationnel, notamment dans le cadre de la construction de notre propre centrale.
Décideurs. Quels avantages le client peut retirer de ce passage de simple fournisseur à fournisseur-producteur ?
X. C. Cela lui garantit d'avoir un fournisseur compétitif dans la durée. En devenant producteur d’électricité, en parallèle de notre activité de fournisseur, nous avons sécurisé notre approvisionnement pour rester durablement compétitif. Un pur fournisseur est fortement dépendant des coûts d'approvisionnement. Quand on s’intègre à l'amont, on diminue le risque d’exposition au marché. Cette acquisition en appelle d'autres, c'est certain, peut-être au cours des dix-huit prochains mois. Aujourd'hui, beaucoup de producteurs ont construit trop de centrales, au regard de leurs débouchés et de leurs clients. De nombreux actifs sont à vendre.
Décideurs. Vous évoquez votre souhait de vous développer à l’international. À quels pays pensez-vous ?
X. C. Je pense qu’il y aurait du sens de se positionner dans un pays frontalier de la France. L’Allemagne, l’Italie ou encore l’Espagne sont autant de pays sur lesquels nous demeurons attentifs. Je souhaiterais que Direct Énergie soit présent dans un nouveau pays l'année prochaine. Mais nous demeurons toutefois très pragmatiques. Un tel développement se fera surtout en fonction des opportunités et, a priori, cela passera par de la croissance organique.
Décideurs. Vous aviez réalisé en 2012 l’acquisition de Poweo. Avec le recul, quel bilan faites-vous de cette opération ?
X. C. Ce fut assurément une opération majeure. Poweo était à l’époque détenu par l'opérateur autrichien Verbund. Leurs 300 000 clients ajoutés aux nôtres nous ont permis de dépasser la barre du million de clients. L'entreprise avait, ce faisant, passé un seuil critique où les charges et coûts de gestion se trouvaient optimisés. Il y avait également un sens industriel à cette opération puisque nous sommes devenus le troisième acteur en France. La clé de succès d’une opération de croissance externe est liée à la rapidité de sa mise en œuvre opérationnelle. Décidée en juillet 2012, toutes les équipes de Poweo avaient intégré nos locaux trois mois plus tard. En juin 2013, c’est l’ensemble des systèmes d'information et du portefeuille clients qui avait migré. Une seule marque et un seul process étaient donc utilisés pour tous les métiers moins d’un an après le rapprochement.
Décideurs. Votre principal actionnaire est la société d'investissement Impala, dirigée par Jacques Veyrat. Quelle est son implication dans le développement de Direct Énergie ?
X. C. Jacques Veyrat a été administrateur de notre société de 2006 à 2011. Il nous a accompagné lors de l’ouverture du marché à la concurrence. À ce moment-là, il était encore très difficile pour nous d’être rentables. De même, lorsque nous avions fait l’acquisition de Poweo, celle-ci réalisait des pertes très importantes. Les pertes cumulées de nos deux entités étaient d’ailleurs proche de 400 millions d'euros. Malgré cela, les équipes d’Impala ont continué à croire en la capacité du management à créer un business model efficient. Elles ont assumé les pertes et réalisé de nombreux investissements. Jacques Veyrat a joué un rôle déterminant, il a accepté de prendre des risques et nous a soutenus dans les moments difficiles. En tant qu’ancien dirigeant de Neuf Telecom, Il savait que l’ouverture de ce marché à la concurrence serait un challenge difficile. Aujourd’hui on échange encore de manière régulière, au moins une ou deux fois par semaine.
Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)