Franck Goldnadel (ADP) : « Nous ne faisons pas de différence entre un avion AirFrance ou Easyjet »
Décideurs. Qu’est-ce qui vous a poussé à intégrer les compagnies low cost dans votre business model ?
Franck Goldnadel. Notre priorité, c’est que tous nos clients compagnies aériennes aient droit au même niveau de services. C’est pourquoi il est important de comprendre que les transporteurs low cost n’ont jamais occupé une place secondaire dans notre stratégie. Nous avons toujours cru en leur potentiel et les avons accueillis il y a déjà de nombreuses années.
Décideurs. Quelle est l’importance de ces compagnies sur votre activité ?
F. G. Elles représentent près de 12 % du trafic européen de Roissy Charles-de-Gaulle et sont majoritairement actives sur le court et moyen courrier. Outre Easyjet, qui contribue à hauteur de 70 % de l’activité du terminal 2D, nous avons aussi des compagnies telles que Vueling, Transavia ou encore Pegasus qui opèrent sur nos aéroports. En termes de tarification de redevances aéroportuaires, il n’y a pas de différence entre low cost et compagnie traditionnelle car nous fournissons le même service.
Décideurs. Quelles sont les spécificités exigées par les transporteurs low cost ?
F. G. Leur concept de base est faire voler leurs avions le plus possible pendant les heures d’ouverture des aéroports desservis. Pour Paris, c’est principalement entre 6h du matin et 23h. En moyenne, leurs appareils effectuent donc trois à cinq rotations par jour suivant les distances à parcourir, ce qui oblige à réduire au maximum leur temps d’escale.
Décideurs. Qu’avez-vous mis en place pour répondre à ces demandes ?
F. G. Nous travaillons avec tous nos clients, low cost ou compagnies traditionnelles. Mais pour les premières, l'efficacité est primordiale. Nous avons développé un programme appelé « Collaboration Decision Making » (CDM). C’est un travail collaboratif entre les acteurs - compagnies aériennes, contrôle aérien et gestionnaire de l'aéroport - qui vise à mettre en commun les informations pour un traitement sur l'aéroport plus efficace. Il permet ainsi d’augmenter la ponctualité des avions, l’optimisation du temps de roulage, mais aussi de rendre plus rapide le processus de débarquement/embarquement (entre vingt et vingt-cinq minutes). Nous adaptons aussi les infrastructures lors de leur rénovation pour améliorer les processus (zone d'attente après embarquement, automatisation des processus d'enregistrement/embarquement…). Tout cela contribue à l'optimisation du temps passé au sol. Nous permettons aussi à la compagnie de pouvoir faire monter les passagers à bord de l’avion depuis l’avant et l’arrière.
« Nous accueillons aussi une clientèle d'affaires que ciblent de plus en plus les compagnies low cost »
Décideurs. Fournissez-vous d’autres types de services en particulier ?
F. G. Nous pouvons les conseiller quant à l’ouverture de nouvelles lignes afin de les aider à optimiser leur développement tout en conservant une politique de coûts limités. Par ailleurs, dans la continuité de notre démarche CDM, nous travaillons actuellement sur un nouveau programme : le « total export management » qui vise à accroître le travail collaboratif afin de délivrer à la compagnie la meilleure vision possible de son exploitation. C'est un moyen pour elle de prendre rapidement les bonnes décisions et de cultiver une image de qualité auprès des passagers. L'autre cas de figure est de donner la possibilité aux transporteurs d'avoir des indications très précises sur les retards et leur cause. Nous avons mobilisé plusieurs dizaines de personnes, déjà en place sur le CDM, dans le but de terminer le développement de ce nouveau programme. Par ailleurs, l’évolution de notre structure tarifaire, plus incitative, fait partie intégrante des leviers prévus pour développer l’activité des compagnies low cost comme des autres : aujourd’hui, celle qui fait le choix de « baser » des avions à Paris (exemple récent de Vueling) peut stationner ses appareils gratuitement la nuit sur les postes prévus à cet effet. De notre côté, cela génère de l’activité, et la compagnie gagne en flexibilité sans le moindre coût supplémentaire.
Décideurs. Pour quelle raisons les entreprises low cost tiennent-elles tant à venir dans de grands aéroports tels que les vôtres ?
F. G. Dans ce contexte de concurrence accrue, ces compagnies s'appuient de plus en plus sur les atouts de l'aéroport. Elles veulent des infrastructures performantes et un accompagnement sur mesure que savent offrir certaines grandes plates-formes comme les nôtres. Nous accueillons aussi une clientèle d'affaires que ciblent de plus en plus les compagnies low cost et qui s'ajoute à celle plus traditionnelle.
Enfin, un grand hub de correspondance, comme Roissy Charles-de-Gaulle, offre une complémentarité entre court/moyen et long courrier permettant aux compagnies low cost de densifier leur trafic et de réaliser des économies d'échelle. Tous ces atouts ne laissent pas indifférentes les compagnies low cost, y compris celles qui n'ont pas fait le choix d'y démarrer leur exploitation, comme par exemple Ryanair.
Propos recueillis par Richard Trainini