Par Lilian Bonnardon, chef de projet. KLB Group

La réussite d’un projet de construction est conditionnée par le niveau de performance dégagée par les maîtrises d’œuvre et les entreprises de travaux. Le pilotage de ces acteurs et l’optimisation de leur performance peuvent être réalisés via des pratiques encore trop peu répandues pour lesquelles l’intervention d’un acheteur est nécessaire.

 

Rapprocher les hypothèses de conception des capacités du marché fournisseur
Les maîtrises d’œuvre (MOE) se considèrent souvent comme les uniques «?sachants?» et réalisent généralement leurs études en vase clos, guidées par leurs habitudes et, parfois, des idées préconçues. Il est donc fondamental de challenger leur travail et de confronter leurs hypothèses de conception aux capacités réelles des entreprises de travaux. Cela révèle souvent des surprises. C’est aussi un bon moyen de détecter les leviers à actionner pour rendre l’opération plus attractive et renforcer la concurrence.
L’acheteur doit jouer le rôle de courroie de transmission entre le projet et les entreprises pour améliorer les solutions envisagées et proposer des alternatives innovantes, fondées sur les retours d’expériences des entreprises de travaux.
Les entreprises peuvent, par exemple, alerter sur les données d’entrées indispensables à intégrer dans la consultation pour leur permettre d’optimiser leurs offres. Les conditions et contraintes de réalisation étant parfaitement définies, les entreprises ont alors les moyens d’optimiser techniquement et financièrement leurs offres puisque le niveau de risque intégré dans les prix unitaires diminue.
Peu de maîtrises d’ouvrage (MOA) publiques ont mis en place cette démarche de dialogue technique, souvent en raison de craintes liées au respect des règles juridiques. Pourtant, des jurisprudences et directives européennes permettent et incitent même l’acheteur public à dialoguer davantage en phase amont avec les entreprises.
L’amélioration de la qualité du dossier de consultation et l’ouverture à des solutions non imaginées initialement favorisent la concurrence et le niveau de qualité technique et économique des offres.


Développer une approche structurée de la gestion des risques
Une des particularités des achats de travaux réside dans le niveau important d’aléas et d’incertitudes lors de la contractualisation du marché, qu’il s’agisse de contraintes externes, géotechniques, liées à la météo ou à une volonté politique… Les choses ne se déroulent jamais exactement comme prévu et ces risques doivent, pour le coup, être pilotés par la MOA car les entreprises utilisent ces aléas pour bâtir des réclamations au moment de l’exécution du projet. Le but étant pour elles de récupérer la marge souvent faible concédée pour obtenir l’attribution.
L’acheteur doit être en capacité d’animer une démarche d’analyse des risques au sein du projet lors des études. Plutôt que de les occulter ou de chercher à les transférer aux entreprises, il s’agit d’avoir une approche raisonnée lors de séances réunissant la MOA et la MOE afin de les lister puis de définir des actions de couverture. Des solutions peuvent alors être imaginées pour écarter certains aléas ou pour réduire leur probabilité. Les responsabilités sont clarifiées, ce qui responsabilise les différentes parties prenantes. Chacune se voit, en effet, attribuer des tâches concrètes, qui seront ensuite suivies au fil des revues.
Pour les risques ne pouvant être couverts, une provision financière estimative est définie et peut être intégrée dans le budget prévisionnel global du projet permettant à la maîtrise d’ouvrage d’avoir une meilleure évaluation de son budget et de l’atterrissage financier du projet.


Sécuriser les délais
L’allongement des délais d’études et le dérapage des plannings travaux sont des dérives récurrentes dans le déroulé d’un projet.
L’acheteur doit proposer des actions permettant de mettre le planning sous tension à travers des outils de gestion de projet calés sur les jalons clés. Ainsi, beaucoup de tâches se déroulent de manière séquentielle alors qu’elles pourraient être menées en parallèle. De plus, l’acheteur doit permettre de sécuriser le délai d’exécution en vérifiant le processus d’achat et d’approvisionnement des entreprises pour s’assurer de la fiabilité de leurs livraisons.
Une meilleure appréhension des contraintes logistiques doit également permettre d’introduire des solutions apportant davantage de souplesse opérationnelle aux entreprises qui pourront proposer un ordonnancement des tâches et une méthodologie optimisée. La prise en compte en amont des besoins nécessaires en termes de dimensionnement et de localisation des entreprises constitue par exemple un élément clé dans la méthodologie qui sera proposée par les entreprises?: préfabrication sur place ou en atelier, taille du stock tampon, moyens matériels mis en œuvre… L’acheteur travaux doit sortir de son rôle de passeur de marchés pour devenir un agitateur, mettre les pieds dans le plat et remettre en cause les habitudes et pratiques historiques. Certaines MOA constatent par exemple un faible niveau de concurrence sur certaines typologies de travaux. Quelles en sont les raisons?? Allotissement, planning de consultation, délais laissés aux entreprises, structure du bordereau de prix non adapté… L’acheteur n’est plus l’outil permettant de contractualiser un marché mais un levier d’amélioration intervenant en tant qu’animateur du groupe projet.

L’acheteur public doit opérer une mue pour apporter davantage aux projets?:
• de meilleures offres grâce à des solutions plus travaillées
• des réductions significatives des provisions pour risques
• une confiance accrue dans la tenue des délais
Sa vision transverse multiprojets est une force alors que les maîtrises d’ouvrages et maîtrises d’œuvres fonctionnent en silo, concentrées sur un unique projet et ne profitant donc pas des bonnes pratiques et retours d’expérience des autres projets.
Les grands projets d’investissements étant ponctuels, si les grands donneurs d’ordres disposent d’acheteurs, les structures publiques de tailles plus restreintes ne disposent pas toujours de compétences en interne et n’en ont pas forcément l’utilité en continu. Le recours à des experts externes est alors une solution qui permet des sauts de performance dans un intervalle de temps très court.

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