Élue présidente du groupe Monassier en 2011, spécialiste du conseil patrimonial et fiscal, Arlette Darmon est notaire au sein de l’étude parisienne Monassier & Associés dans laquelle elle a fait toute sa carrière. Elle aborde avec nous les conséquences de la loi Macron sur la profession et les questions liées au développement de l'interprofessionnalité.

Décideurs. Voyez-vous l’interprofessionnalité, si décriée par de nombreux notaires, comme une opportunité pour votre profession ?

Arlette Darmon. L’interprofessionnalité nous est imposée ; il faudra donc compter avec. Le notariat est à un carrefour de son histoire. La loi Macron le bouscule dans ses habitudes, ses certitudes, remet en cause son modèle économique avec de nouvelles dispositions sur la liberté d’installation, sur nos politiques tarifaires ainsi que sur nos relations avec les autres professions réglementées. Pourtant, aujourd’hui comme hier, notre objectif reste d’apporter un service de qualité, global, à nos clients. Nous pratiquons donc tous, à des échelles forcément différentes, une forme d’interprofessionnalité. Sans être jusqu’alors capitalistique, voire en porter le nom, nous disposons en effet de relations privilégiées, bâties au fil du temps et des expériences, avec certains cabinets d’avocats ou professionnels du chiffre. Le cadre change. À nous de nous y adapter.

 

Décideurs. Avez-vous déjà été contacté dans l’éventualité d’un rapprochement ?

A. D. Bien entendu. Depuis quelque temps déjà. Tout autant par des cabinets d’avocats, français ou internationaux, que par de grands cabinets d’audit. Nous avons répondu à plusieurs sollicitations de rendez- vous, avons réfléchi entre nous aux différentes opportunités, mais notre vision est plus active que passive et nous préférons nous positionner comme acquéreur que comme une cible.

 

Décideurs. C’est pourquoi vous venez de créer une société de participations financières de professions libérales (SPFPL) ? Afin de vous associer avec d’autres professions réglementées ?

A. D. Cela vient en seconde position dans le choix de mettre en place cette structure. Tout d’abord, avant d’envisager des projets de rapprochement avec d’autres professions, cette SPFPL nous offre l’opportunité de simplifier l’organisation capitalistique de notre groupe. Depuis plus de vingt ans, nous appuyons notre développement sur un modèle de « monoprofessionnalité » : nos vingt-sept études étaient toutes différentes et indépendantes tout en partageant un même corpus de valeurs, normes de travail et objectifs. Nous souhaitions depuis plusieurs années aller au-delà d’un modèle bâti historiquement autour du concept « d’indépendance dans l’interdépendance » et matérialiser ainsi une vision entrepreneuriale commune. Un comité scientifique a été mis en place, nous avons fait réaliser une étude par « junior HEC ». Leurs conclusions ont confirmé l’intérêt de privilégier une structure faîtière à une solution de participations croisées. Chaque étude y est par ailleurs représentée de manière égalitaire, sans prendre en compte la taille et le chiffre d’affaires des uns et des autres.

 

Décideurs. Quelles seront donc les prochaines étapes ?

A. D. Cette structure nous servira donc à améliorer notre maillage régional en participant à l’installation de certains de nos collaborateurs, mais aussi à prendre des positions capitalistiques chez certains partenaires complémentaires. Le notariat doit appartenir à son temps et, comme tout chef d’entreprise qui se respecte, nous sommes particulièrement attentifs aux opportunités de croissance. Cette réforme peut nous permettre d’améliorer notre gamme de services et de répondre aux attentes de nos clients. Nous n’irons pas concurrencer nos partenaires, que ce soit en M&A ou en immobilier. Il pourrait être intéressant par contre d’accompagner des professionnels en droit de la propriété intellectuelle ou en fiscalité.

 

Décideurs. Notaires et avocats peuvent-ils être sur la même longueur d’onde ?

A. D. Le notaire est l’homme du contrat quand l’avocat est le conseil d’une partie.Sans perdre de vue ce que nous sommes, à savoir des officiers ministériels, nous ne pouvons borner notre action à la rédaction d’actes. En prenant la main sur le processus de rapprochements, nous pourrons veiller à faire respecter notre manière de faire, nos bonnes pratiques. Ce sera sans doute plus compliqué dans le cadre de ce que j’appellerais les « notaires tamponneurs », qui ne manqueront pas d’apparaître et qui n’auront d’autre fonction que d’acter pour le compte des clients d’un unique employeur. Il leur sera certainement plus compliqué de faire respecter la neutralité obligatoire à la bonne rédaction des actes.

 

Propos recueillis par Alexis Valero

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « Gestion de patrimoine & gestion d'actifs » de Décideurs Magazine

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