Thierry Munier (Altempo) : « L’innovation a une fonction critique dans l’entreprise»
Décideurs. Comment définiriez-vous votre stratégie de croissance ?
Thierry Munier. Il existe deux types de croissance. Celle, « subie », liée à un marché, sans que l’entrepreneur ne contrôle ni le volume ni ses prix. Et l’autre, stratégique, qui est d’installer l’innovation pour créer de nouveaux produits qui effacent l’obsolescence de ceux abandonnés.
Nous avons toujours refusé de subir le marché, les clients. C’est notre stratégie d’être en avance sur notre marché. Pour y arriver il faut une réflexion en amont, comprendre les comportements, l’évolution de notre société pour imaginer et anticiper les besoins de demain.
Notre stratégie : refuser d’être dépendant d’un marché pour éviter la décroissance et mécaniquement construire l’outil de développement de l’entreprise, avec comme conséquence la croissance.
Décideurs. Quelles ont été les clés du succès de votre croissance ?
T. M. L’innovation globale, à savoir la recherche d’opportunités, le développement de ces dernières, les supports de l’innovation comme le numérique, la fabrication de l’écosystème autour de l’entreprise, de ses produits, et enfin l’innovation managériale pour attirer les talents indispensables à la réalisation des projets.
Pour être totalement au service du développement, l’innovation a deux fonctions majeures : tout d’abord elle doit avoir une fonction critique vis-à-vis des produits commercialisés par l’entreprise afin de dépister en continu leurs faiblesses et ainsi synchroniser leur fin de vie avec la naissance des nouveaux produits. Cela fixe le tempo de la fonction R&D : la recherche, le développement et les moyens de commercialisation des nouveaux produits.
Je pourrais résumer les clés de notre succès ainsi : courir plus vite que son marché avec une équipe performante.
Décideurs. Quels sont les obstacles que vous avez dû affronter pour permettre une forte croissance ?
T. M. Si j’ai pu rencontrer des obstacles, c’est dans la construction de l’outil et plus précisément dans sa définition précise qui est propre à chaque entreprise, je dirai même propre à chaque entrepreneur. Dans cette construction, le moins facile reste le recrutement. Mais depuis que j’ai compris ce qu’attend la nouvelle génération arrivant sur le marché du travail, c’est devenu agréable de recruter. Si je l’ai compris c’est grâce au service innovation qui a recherché et enquêté pour répondre à cette question : comment les jeunes générations se projettent-elles dans l’entreprise et quelles sont leurs attentes ?
Les obstacles sont plutôt la conséquence d’une absence de vision stratégique du développement.
Décideurs. Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui visent une forte croissance ?
T. M. J’insiste, la croissance est une conséquence, et laissons-lui ce statut. Construisez votre « outil de croissance » et soyez curieux pour l’enrichir en la nourrissant de l’extérieur. L’outil doit aussi être celui qui fiabilise la croissance. Ne rien lancer si les feux ne sont pas au vert. Mieux vaut une année sans croissance qu’une croissance ratée. Il faut créer cet outil qui permet de fixer une vision stratégique, organiser le développement et ainsi créer de la croissance.
Décideurs. Pour financer votre croissance, quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs à l’aune de votre propre expérience ?
T. M. Nous autofinançons les produits générant de la croissance en intégrant le financement de l’ensemble des frais de R&D, des outils de production et des éventuelles immobilisations. Cette approche financière globale plaît aux banquiers car c’est synonyme de vision.