Violaine Richard (Euroméditerranée) : « La zone arrière portuaire est redevenue le moteur de Marseille »
Décideurs. Quelles étaient les spécificités territoriales à prendre en compte pour le réaménagement de la façade maritime nord de Marseille ?
Violaine Richard. Les grandes infrastructures qui avaient accompagné le développement de Marseille au XIXème siècle ont produit des coupures urbaines très fortes qui ont isolé les quartiers entre eux, façonnant la ville autour de la seule activité industrialo-portuaire. La ville a été partiellement coupée du large front de mer en raison des vastes emprises portuaires fermées et des réseaux routiers et ferrés qui les longent. Au cours de la seconde moitié du XXème siècle, la ville absorbe une immigration massive alors que disparaissent peu à peu les établissements industriels qui laissent d’importantes friches à l’abandon. Le premier défi de l'opération consistait donc à apaiser et reconstruire cette relation spatiale complexe entre le port et la ville.
Décideurs. Des objectifs avaient été fixés en termes de création d'emplois. Ont-ils été tenus ?
V. R. En 1995, Marseille avait perdu en vingt ans, près de 50 000 emplois, 150 000 habitants et le taux de chômage était de 22 %. Un électrochoc était nécessaire pour relancer l’économie en panne : Euroméditerranée. La ville et l’État s’associent pour lancer une Opération d'intérêt national pour remédier à une situation économique et sociale dégradée. En vingt ans, Euroméditerranée a réussi à s’imposer comme le moteur économique de la ville, la Joliette est devenu le quartier central des affaires. L’opération a généré la création de 18 000 emplois et attiré sur son périmètre environ 800 entreprises. Avec 32 000 emplois privés, la zone arrière portuaire est redevenue le moteur économique de Marseille.
Décideurs. Ce modèle serait-il duplicable sur d'autres façades maritimes ?
V. R. Chacun de ces grands projets de réaménagement est unique car émanant d’une genèse, d’un contexte particulier, d’une échelle différente. Ils s’appuient néanmoins sur les mêmes fondamentaux : maîtrise du foncier, masterplan et programmation, appui au projet par des fonds et des équipements publics, relayés par une recherche d’investisseurs privés, actions de promotion et de marketing territorial, candidature à des événements à forte visibilité et de dimension internationale. En matière de benchmarking, par exemple, les points d’appui des politiques de promotion sont assez semblables : ouverture à l’international, construction d’objet architectural symbolique. L’enjeu : amplifier le rayonnement et l’attractivité pour se placer dans une compétition, à l’échelle européenne voire mondiale, et attirer investisseurs, touristes, entreprises innovantes….