Le prix du baril de pétrole n'en finit plus de dégringoler, avec des répercussions importantes sur les économies mondiale et française. À l'heure où la rentabilité de l'or noir devient problématique, quelles sont les alternatives pour les acteurs de l'industrie pétrolière ?

Trente dollars, c'est le seuil symbolique qui s'apprête à être franchi par le cours du prix du baril de pétrole, recollant ainsi au niveau d'avant le « troisième choc pétrolier », nom parfois donné à l'augmentation brutale du prix du brut, conséquente à l'invasion de l'Irak en 2003, avec un pic à 144 dollars atteint en juillet 2008. Personne n'aurait osé prédire cette situation tant les causes en sont nombreuses : dollar fort, boom du pétrole de schiste américain, retour imminent du brut iranien sur le marché, ralentissement de l'économie chinoise, obscure question du pétrole de Daesh… « Les planètes sont alignées » pour que que le prix du baril recolle aux niveaux d'il y a quinze ans, et ce sans aucune perspective de rebond : contrairement à des situations analogues survenues dans le passé, les Saoudiens, qui produisent du pétrole au coût d'extraction peu élevé, refusent de réduire leurs cadences de production, de peur de céder des parts de marché au voisin chiite dont l'embargo devrait rapidement être levé, ou aux États-Unis, de nouveau autorisés à exporter leur production domestique. La pétromonarchie a établi son budget 2016 sur un prix du baril à vingt-six dollars et envisage même l'introduction en bourse d'une partie des activités de Saudi Aramco, sa compagnie pétrolière nationale, assise sur une réserve estimée à 265 millions de barils, soit 15 % des réserves mondiales de pétrole.

 

État, entreprises et particuliers ont le sourire

À première vue, un brut aussi bas a de quoi rendre heureux, le litre de gazole étant passé sous la barre symbolique de un euro (- 24 % par rapport à début 2014), une première en France depuis juillet 2009. Pour les entreprises, en particulier celles des secteurs de la chimie et des transports, cela signifie un accroissement des marges. Pour les particuliers, c'est une augmentation immédiate du pouvoir d'achat des ménages, qui devrait progresser de 1,7 % cette année, la hausse la plus forte depuis 2007. Enfin, pour l'État, cela signifie un retour à la croissance (+ 1,1 % attendu en 2016), dopée par la consommation des ménages, et sans que personne ne trouve à redire sur l'augmentation des taxes sur les carburants (l'Ufip chiffre à 12,3 centimes l'augmentation des taxes sur le litre de gazole, entre 2015 et 2017). La balance commerciale française devrait également profiter de la tendance.

 

L'industrie pétrolière fait la grimace

Cependant, le « baril discount » ne fait pas que des heureux. Touchée de plein fouet, l'industrie pétrolière fait déjà les frais de la baisse des prix du brut : British Petroleum vient d'annoncer la suppression de 4 000 postes dans l'exploitation-production, alors que le brésilien Petrobras a réduit de 24,5 % (- 32 milliards de dollars) son plan d'investissement à l'horizon 2019. Sur le marché domestique, CGG, spécialiste de l'exploration des sous-sols, a dû lancer une opération de sauvetage, et le titre de Vallourec affiche son plus bas niveau en bourse depuis novembre 2013. Technip semble mieux résister, mais pour combien de temps encore ? Quant à Total, il récolte sans doute les fruits de sa stratégie de diversification, son titre en Bourse s'affichant aux alentours de 38 euros, contre environ 40 il y a un an, Pour rappel, alors que beaucoup de majors ont fait le choix d'investir dans les pétroles non conventionnels (schiste) et dans les biocarburants, Total a opté pour un éventail d'investissements plus large. En effet, le pétrolier français a fait le pari du renouvelable en ambitionnant de voir les énergies renouvelables représenter entre 10 et 15 % de son portefeuille à l'horizon 2030. Avec un goût particulier pour le solaire, qui pèse, avec l'acquisition de Sunpower en 2011, 2,7 milliards d'euros, soit 3 % de ses capitaux. De plus, le groupe fait toujours pression pour être autorisé à reprendre ses recherches de gaz de schiste dans la région de Montélimar. Face à la chute des cours, et si la diversification tous azimuts était la solution ?

 

Boris Beltran

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