Paris vs Londres : le match du Brexit
Alors que le Brexit est acté, Paris et Londres sont plus que jamais en concurrence pour la place de première ville européenne. Tech, finance, fiscalité, immobilier... De quel côté de la Manche se situe la capitale européenne ?
1 – Taille : Même taille, densité différente
Même si Paris fait partie des villes les plus denses du monde (21 000 hab.km²), elle n’est comparable à Londres qu’en comptabilisant l’ensemble de son agglomération. En effet, la taille de la capitale anglaise intra-muros est de 1 572 km², contre seulement 105 km² pour Paris. En 2018, en prenant en compte son agglomération, la Ville Lumière regroupe 8,3 millions d'habitants pour une superficie de 1 305 km². De son côté, Londres abrite 8,2 millions de résidents. Une égalité quasi parfaite donc.
2 – Start-up : Londres attire les licornes, Paris progresse
Au niveau de la tech, Londres et Paris mènent une bataille féroce pour attirer les jeunes pousses et les faire grandir. Paris revendique 1 384 start-up tandis que Londres se vante d’en recenser 3 000. Mais il est difficile de tenir un recensement précis puisque le terme est vaste et que les créations et fermetures sont rapides. Une chose est certaine : c’est à Londres qu’elles peuvent croître le plus vite. Ainsi, en 2019, le Royaume-Uni compte 16 licornes (start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars) contre 5 pour la France.
Mais le dynamisme est du côté de la France. Le Brexit semble décourager les étrangers de s’installer à Londres même si les fonds y sont plus présents et plus audacieux. Du côté de Paris, les start-up sont présentes dans de nombreux secteurs (Edtech, mobilité, Fintech…) et elles lèvent de plus en plus. En outre, c’est à Paris, dans la Station F, que se situe le plus grand incubateur du monde.
3 – Transports : Londres mieux desservie mais plus chère
Avec le Grand Paris, la capitale de l’Hexagone espère renforcer la mobilité entre son centre (c’est-à-dire la commune de Paris) et les villes de petite et moyenne couronne. Il faut dire que la capitale française est très en retard.
Alors que Paris ne compte que 370 lignes de bus, Londres en regroupe 700. Le constat est le même pour le réseau ferré : la capitale tricolore offre 16 lignes de métro et 16 lignes de Transilien quand son homologue anglo-saxonne en possède respectivement 18 et 25. La puissance du réseau de transport de Londres est pondérée par son coût : les tarifs y sont deux à trois fois plus élevés qu’à Paris.
Un écart qui devrait peut-être se resserrer au vu des investissements annoncés par la région Île-de-France. 25,5 milliards d’euros seront dépensés pour construire 200 km de métro autour de Paris d’ici à 2030. Mais Londres n’est pas en reste et investira 19 milliards d’euros pour construire un équivalent du RER A, traversant le Greater London d’est en ouest et desservant son nouveau quartier d’affaires, Canary Wharf.
Du côté des taxis, Paris est également en retard : la capitale française n’en compte que 17 000, contre 22 500 pour Londres. Heureusement, la présence d’acteurs de la mobilité tels qu’Uber permet de pallier le manque de taxis. Le bilan est identique pour les aéroports : En 2017, 97,1 millions de passagers ont transité par les trois aéroports parisiens (en incluant celui de Beauvais), alors que Londres en recensait 132,6 millions grâce à ses six aéroports (Heathrow, Gatwick, Stansted, Luton, City, Southend).
4 – Immobilier : Paris ville chère, Londres ville inabordable
C’est une situation malheureusement courante à Londres : de jeunes cadres à fort pouvoir d’achat sont contraints de vivre en colocation jusqu’à un âge avancé. Les ménages de la classe moyenne, de leur côté, n’ont pas le choix. Pour accéder à la propriété, ils doivent s’installer en banlieue. Il faut dire que le prix de l’immobilier donne le vertige. En 2018, le prix moyen est de 15 241 euros le mètre carré. Notons que le Brexit a tendance à faire baisser le prix de l’immobilier (-1,8% en 2017). Il n’empêche : l’accès à la propriété ou à son propre logement en location n’est pas à la portée de toutes les bourses.
Les prix parisiens sont nettement plus abordables même s’ils demeurent très élevés. A l'été 2019, le prix moyen du mètre carré a ainsi atteint le seuil de 10 000 euros. Deux raisons expliquent la situation : la France étant un pays très centralisé, la plupart des emplois qualifiés dans le privé ou dans l’administration sont situés à Paris. Et la densité de la ville empêche la construction de nouveaux logements. L’offre est donc supérieure à la demande et les prix grimpent sans cesse.
A terme, sera-t-il plus cher de se loger à Paris qu’à Londres ? Nul ne peut savoir. Mais actuellement il est plus simple de se loger à Paris qu’à Londres. Même si ce n’est pas une sinécure. Toutefois, le marché du luxe se tend pour cause de riches salariés... quittant Londres pour Paris !
5 – Tourisme : Londres légèrement en tête
Paris et Londres, c’est aussi l’histoire d’une bataille historique pour gagner la place de première destination touristique d’Europe.
Et à ce petit jeu, c’est Londres qui l’emporte. En 2017, selon un classement établi par Mastercard, Londres est la seconde ville la plus visitée du monde avec 20 millions de visiteurs. Paris occupe la troisième marche du podium avec 16,1 millions de visiteurs. Toutefois, en 2017, 33,8 nuitées hôtelières ont été recensées à Paris. Une belle performance après les années noires de 2015 et 2016 marquées par des attaques terroristes. Notons que les touristes dépensent plus à Londres qu’à Paris.
6 – Culture : Match nul
Sur le plan culturel, Londres marque plusieurs points. La ville compte 240 musées contre seulement 153 à Paris. Même constat pour le nombre de bibliothèques publiques : 380 dans la ville de Big Ben contre 69 dans celle de la tour Eiffel. Les musées sont toutefois bien plus onéreux à Londres qu’à Paris.
Seul secteur où Paris marque des points : la restauration. Cette dernière regroupait 101 restaurants étoilés en 2016 contre seulement 69 pour Londres. Le site Tripadvisor recensait par ailleurs 11 925 restaurants dans l’agglomération parisienne contre 9 665 pour son homologue londonienne.
7 – Business : Londres est devant... pour longtemps
Selon l’index de compétitivité de 2012 de The Economist Intelligence Unit, Londres est deuxième mondiale avec un score de 70,4 sur cent quand Paris se place quatrième ex aequo avec Hongkong pour une note de 69,3. La banque Citigroup a obtenu des résultats similaires en 2013 mais a surtout fait des projections pour 2025. L’écart se creuse : Paris serait alors septième avec 67% alors que Londres se maintiendrait à la seconde place avec 73/%.
Une domination qui se traduit par le nombre d’entreprises recensées. Alors qu’on en compte 872 126 dans l’agglomération parisienne, Londres en totalise 976 000. La capitale française n’a néanmoins pas dit son dernier mot. En 2013, 122 875 entreprises ont été créées dans Paris et sa périphérie directe contre 84 000 seulement outre-Manche. Pas de quoi inverser pour autant la courbe du chômage. Au second trimestre le taux de chômage était de 8,2 % à Paris contre 6,4 % pour sa rivale britannique.
Ces disparités s’expliquent en grande partie par l’imposition. Si la TVA atteint des niveaux comparables, l’impôt sur les sociétés reste bien plus élevé dans l’Hexagone : 33 % contre 23 % en Angleterre. De même, l’impôt sur le revenu oscille entre 0 % et 45 % en France en 2015 alors qu’il ne monte que jusqu’à 43 % à Londres. De plus, les étrangers peuvent bénéficier longtemps dans la capitale britannique du statut « UK non domiciliated », qui les exonère d’impôts. Autre avantage de la métropole anglaise, l’absence d’impôt sur la fortune. Les places financières ne jouent également pas dans la même catégorie : selon le cabinet de conseil Z/Yen Group, celle de Paris n’est classée que 37e au niveau mondial quand celle de Londres arrive à la première place.
Mauvaise nouvelle pour Paris, malgré le Brexit, Londres pourrait bien creuser son écart. Selon une étude menée par le cabinet Oxford Economics, en 2035, Londres serait la troisième ville mondiale avec le plus fort PIB total. Paris se classerait à la septième place.
Lucas Jakubowicz et Vincent Paes