Les écoquartiers sont-ils viables ?
S'il y a aujourd'hui un concept qui fait l'unanimité dans le milieu de l'urbanisme, c'est celui de l'écoquartier. Ce mode d'aménagement urbain qui vise à produire des quartiers « intelligents » à l'impact environnemental réduit et au confort de vie amélioré s'impose, à la fois chez les sachants et chez le grand public, comme le modèle urbanistique de notre époque. Plusieurs de ces projets arrivent aujourd'hui à maturité, permettant de dresser un premier bilan de leur exploitation. Alors les écoquartiers, véritable révolution urbaine ?
L'une des premières à rendre sa copie est la ville d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Se voulant à la pointe du développement urbain intelligent, notamment avec son smartgrid Issygrid, la Ville a présenté, après deux ans et demi d'exploitation, un premier bilan de son écoquartier du Fort d'Issy (en photo). Bâti au sein de l'un des dix-sept forts de la ceinture de protection de Paris construite par Adolphe Thiers, le Fort d'Issy dispose de tous les équipements dont un écoquartier digne de ce nom doit disposer : bâtiments passifs, production d'énergies renouvelables, mixité d'usage, omniprésence de la domotique, parkings mutualisés, grands espaces verts… Député-maire de la commune et père du projet, André Santini ne tarit pas d'éloges sur son petit dernier, « un quartier pionnier en matière de mieux-vivre et de maîtrise de l'impact écologique ». Bouygues Immobilier, son promoteur, se félicite également de la « rentabilité » de l'opération, sans pour autant donner plus de détails sur cette notion. Le Fort d'Issy semble aussi faire l'unanimité chez ses occupants, qui se disent à 95 % fiers d'y habiter. 70 % d'entre eux déclarent avoir réalisé des économies sur leurs factures.
Les écoquartiers constitueraient-ils donc une partie de la réponse aux problématiques urbaines et environnementales ? Il est encore difficile de l'affirmer. À trente kilomètres d'Issy, l'écoquartier des Temps durables, situé sur la commune de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) revendique des prétentions semblables à celles de son pendant isséen. Pourtant, depuis sa livraison, le tableau est plus nuancé. En cause : la pollution des sols sur le lieu du projet, due à la présence de métaux lourds et de poches de gaz. Françoise Lecoufle, maire de la ville, a de fait annoncé le 3 novembre dernier devoir stopper le projet de réalisation d'une école dans ce nouveau quartier. Le supermarché a également fermé ses portes en mai dernier, seulement un an et demi après son ouverture, laissant les habitants de l'écoquartier face à leurs interrogations.
La tenue de la COP 21 peu importe son issue ne pourra que renforcer la dynamique de développement de ces écoquartiers, qui poussent d'ores et déjà comme des champignons. Toutefois, l'appellation écoquartier n'est pas suffisante : localisation intelligente et respect des caractéristiques des territoires dictent seuls le développement urbain. Ils le font depuis des siècles.
Boris Beltran