Jean Christophe (pbb) : « Le secteur public n’est pas un secteur sans risque »
Décideurs. Quelle stratégie poursuit pbb sur le financement public ?
Jean Christophe. La France reste pour nous un marché stratégique, aux côtés de l’Allemagne. Nous avons continué à nous développer en 2014, avec près de vingt-cinq projets financés pour un volume de 750 millions d’euros. Notre part est aujourd’hui de 5 % et notre objectif est de la maintenir ou de la faire légèrement croître, dans un marché en contraction. Cette tendance n’est pas due à une raréfaction des financements mais aux arbitrages que doivent faire les collectivités dans leurs dépenses, face à la baisse des revenus générés par la fiscalité locale et la diminution de la dotation de l’État aux collectivités.
Décideurs. Que représente ce marché en volumes de financement ?
J. C. Les volumes sont aujourd’hui très importants. Il y a une abondance de liquidités du fait de la présence de structures comme la Caisse des dépôts, l’Agence de financement des collectivités locales qui a attribué ses premiers prêts, la Banque Postale ou la Banque européenne d’investissement. Selon les estimations de l’Observatoire finances actives, le volume de financement des nouveaux investissements pour les collectivités est estimé à quinze milliards d’euros. Si on y ajoute les refinancements et leurs satellites, on atteint un montant de près de vingt milliards d’euros. Ce sont des volumes considérables, deux fois plus importants que la demande des collectivités. Cette surliquidité entraîne une vive concurrence sur le marché et une baisse des marges : de 300 points de base (pb) début 2012, elles sont passées à près de 100 pb aujourd’hui.
Décideurs. Cette abondance de liquidités est-elle mise à disposition de toutes les collectivités, quelle que soit leur taille ?
J. C. Pour les très petites collectivités, la situation est moins évidente, non pas pour une question de risque mais parce que leurs projets ne correspondent pas aux volumes de financement d’établissements comme les nôtres. Sur ce segment, des acteurs sont néanmoins présents comme la Banque Postale, les Caisses d’épargne ou le Crédit agricole. Pbb se positionne sur des collectivités de minimum 50 000 habitants, avec des dossiers compris entre dix et cent millions d’euros. Nous essayons surtout de répondre à une demande importante en matière de structuration d’opérations financières complexes. C’est notamment le cas pour les projets d’aménagement portés par des établissements publics locaux (EPL) ou des établissements publics fonciers (EPF), qui sont garantis à 80 % et dont la banque porte un risque réel sur 20 % de l’opération. Pbb s’est clairement positionné sur les EPL, en renouvelant le partenariat signé avec la Fédération des sociétés publiques locales. Elles sont à la jonction de nos métiers avec le partage du foncier, l’aménagement du territoire et les opérations de promotion. C’est ce qui nous intéresse dans ce type de montage. Nous avons ainsi financé des opérations pour le compte de l’EPF 92, de la Semapa ou de la région Paca.
Décideurs. Comment anticipez-vous la réorganisation du millefeuille territorial ?
J. C. C’est l’un des grands défis du secteur public, qui génère une certaine volatilité dans les opérations. Il y a aujourd’hui une forme d’attentisme et une demande forte pour comprendre ce qui va se passer. Le secteur public n’est pas un secteur sans risque contrairement à ce qu’on a longtemps pu penser. Des risques systémiques et juridiques existent, comme on a pu le constater en Autriche. La question que nous nous posons est toujours de savoir si nos emprunteurs peuvent rembourser la dette qu’ils contractent. C’est pour cela que nous attachons, chez pbb, une grande importance à la prospective.
Décideurs. Êtes-vous optimiste sur le redémarrage des PPP en France ?
J. C. Oui, nous pensons que le marché va repartir pour des questions de refinancements d’abord, mais pas seulement. La loi Macron a intégré des dispositions sur les PPP et apporté des améliorations qui vont donner un nouvel élan à ce marché. Le PPP reste l’un des meilleurs outils pour permettre de réaliser rapidement des projets en tenant les budgets et les délais. C’est un vrai partenariat, qui permet de mieux responsabiliser les parties. Tous les pays conservent cet outil et le modifient pour le rendre plus efficace. Il est appelé à durer.
Propos recueillis par Sophie Da Costa