Entretien avec Gérard Collomb, sénateur-maire et président de la métropole de Lyon, initiateur de la smart city et de la transition numérique dans la capitale de la soie.

Décideurs. Vous plaidez pour des métropoles et des régions fortes pour relever le défi des autres pays européens. Comment y travaillez-vous à Lyon et avec quelles ressources ?

Gérard Collomb. Je suis convaincu que, depuis quelques décennies, on assiste à une perte de pouvoir des États-Nations, notamment en matière économique. Perte de pouvoir par le haut, avec les institutions supranationales avec les grands groupes internationalisés, avec des institutions supranationales comme l’Union européenne ou la BCE. Perte de pouvoir par le bas, avec la montée en puissance des territoires et en particulier des métropoles qui, pour les 300 plus importantes, sont à l’origine de 50 % du PIB mondial. À cette nouvelle donne, principalement économique, j’ai toujours pensé qu’il fallait répondre par une nouvelle donne institutionnelle. C’est ce que nous avons réalisé à Lyon en créant la métropole. L’originalité de la métropole lyonnaise est que, contrairement aux autres métropoles créées au 1er janvier 2015, c’est une collectivité territoriale à part entière qui se substitue, sur le territoire de l’agglomération, au conseil général. Cela lui confère une force de frappe importante en matière d’aménagement du développement économique. Cela lui donne aussi une grande responsabilité vis-à-vis des citoyens, qui attendent beaucoup de cette nouvelle institution.

 

Décideurs. Quel rôle peuvent jouer les métropoles dans les négociations pour le climat ?

G. C. Les villes, qui concentrent un peu plus de 50 % de la population mondiale et sont à l’origine de 75 % des consommations énergétiques et de 75 % des émissions de gaz à effet de serre, sont les territoires dans lesquels la question écologique se pose avec le plus d’acuité.

En même temps, elles concentrent aussi les ressources scientifiques, technologiques, organisationnelles nécessaires pour y répondre, pour développer des solutions permettant de concilier développement économique, faible empreinte carbone et bien-être du plus grand nombre.  Elles sont donc à la fois « le risque et la chance » et c’est pour cela que leur présence active dans les négociations pour le climat est indispensable. Avec de nombreux maires de métropoles européennes, nous nous sommes réunis en mars à Paris dans la perspective de la conférence COP21. Nous avons d’abord donné un objectif comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030. Nous avons souligné notre volonté d’investir massivement dans les filières écologiques, en matière de transports, de bâtiments, d’énergie et de gestion des déchets. Nous avons décidé enfin de partager nos expériences, ce qui est un point essentiel pour accélérer le déploiement des solutions qui marchent. Il y aura donc une « voix des métropoles » à Paris en décembre.

 

Décideurs. Comment le territoire de Lyon aborde la question de la transition énergétique, notamment à des fins de développement économique ?

G. C. Au Grand Lyon, aujourd’hui devenue métropole, nous avons pris le problème de la transition énergétique à bras le corps. Dès 2010, nous avons ainsi ratifié un plan climat partenarial qui, élaboré avec tous les acteurs économiques du territoire, a permis d’établir un diagnostic précis des consommations énergétiques du territoire et des émissions de gaz à effet de serre. Avec un double objectif : baisser de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 et développer les consommations d’énergies renouvelables. Avec, pour les atteindre, une série d’actions dans les domaines du transport, du bâtiment et de l’industrie.

Aujourd’hui, nous avons parcouru la moitié du chemin, puisque nous avons baissé de 10 % nos émissions de gaz à effet de serre et que la part des énergies renouvelables s’est accrue. Mais la vraie spécificité du territoire, c’est la filière énergies vertes que nous sommes en train de développer avec les acteurs économiques. Nous travaillons d’abord sur la production d’énergies renouvelables alternatives, avec le projet Gaya autour de la méthanation de la biomasse (Gaya), avec également un projet de récupération de la chaleur fatale émise par les usines. Nous innovons en matière de distribution, avec le projet Supergrid autour du transport longue distance des énergies renouvelables, avec les nombreuses expérimentations smart grids qui permettent de mieux faire correspondre offre et demande d’énergie. Enfin, nous agissons pour réduire la demande d’énergie en engageant, par exemple, un plan de rénovation énergétique des logements ou en développant une application smartphone comme Optymod, qui permet de favoriser les transports écologiques. Toutes ces dispositions sont à la fois bonnes pour le climat, puisqu’elles permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et bonnes pour l’emploi, puisqu’elles permettent de réorienter un secteur comme celui de la chimie vers les technologies vertes. On voit donc bien qu’écologie et économie ne s’opposent pas, bien au contraire.

 

Propos recueillis par Sophie Da Costa

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