Comment un gazier peut-il participer à la transition énergétique et apporter sa contribution au développement durable ? Daniel Fava, directeur général d’Eni Gas & Power France nous donne sa réponse.

Décideurs. La filière gaz semble être l’oubliée de la loi sur la transition énergétique. Comment l’expliquez-vous ?

Daniel Fava. Il est vrai qu’à part une légère mise en avant du biogaz, le gaz naturel est le grand oublié de la loi sur la transition énergétique. Comme souvent lorsqu’on parle de ce sujet en France, le débat s’est cantonné à deux camps : les pro-nucléaires avec EDF en chef de file, d’un côté, et les écologistes, de l’autre. Et lorsque d’autres énergies sont évoquées pour se substituer à l’énergie atomique, ce sont les renouvelables qui apparaissent sur le devant de la scène, solaire et éolienne en tête. Une inquiétude revient inlassablement concernant le gaz pour justifier de sa marginalisation : la dépendance trop importante envers la Russie pour l’approvisionnement. Pourtant, le gaz russe ne représente que 20 % de la consommation française. Le gaz aurait donc eu toute sa place dans la transition énergétique.


Décideurs. Quel rôle peut jouer le gaz dans le cadre de cette loi ?

D. F. Dans un scénario de réduction du nucléaire et d’une augmentation de la part des EnR, le gaz peut permettre d’assurer le lien entre les deux périodes. De plus, nous pensons que les EnR ne pourront jamais être les seules sources d’énergie disponibles puisqu’elles sont, par nature, intermittentes – manque de soleil ou de vent, par exemple. Le gaz représente l’énergie primaire qui pourrait pallier à l’intermittence de ces énergies à terme. Pourquoi ? D’abord, parce que c’est une énergie de long terme, sur laquelle nous pouvons bâtir un avenir, avec des réserves pour les 250 années à venir qui peut compter sur des sources d’approvisionnement proches ou sur le transport par bateau (gaz naturel liquéfié), dans le cas d’exploitations plus lointaines. Ensuite, il s’agit d’un des hydrocarbures les moins polluants et le moins cher. Enfin, l’infrastructure du réseau de transport et de distribution est largement amortie et donc ne nécessite pas de très gros investissements pour le futur.


Décideurs. La COP21 arrive à grands pas. Quelles actions allez-vous entreprendre pour faire entendre votre voix ?

D. F. Eni fait partie de l’ « Oil and Gas Climate Initiative » qui compte huit énergéticiens mondiaux tels que Total, Shell et BP. Nous nous sommes rassemblés pour apporter des propositions qui déboucheront sur des actes tangibles visant à réduire le CO2. Nous souhaitons contribuer aux dialogues sur le climat, notamment dans le cadre de la COP21. Chez Eni, nous agissons par exemple pour réduire et limiter au maximum les torchères. Avec cinq autres grands énergéticiens européens, Eni a demandé l’instauration d’un mécanisme de tarification du carbone international, afin d’encourager toutes les technologies faiblement émettrices de carbone.

Cependant, la COP21 n’est qu’un événement ponctuel et nous nous sommes déjà engagés, dès 2013, au sein du groupe Magritte, composé des plus grands énergéticiens d’Europe. Ce consortium a pour objectif  de réformer la politique énergétique et climatique européenne. Nous soutenons le passage aux énergies durables qui doivent pouvoir s’autofinancer et atteindre un équilibre économique afin d’être viables par elles-mêmes et non pas à renfort de subventions qui se font au détriment d’autres investissements. L’exemple de l’Allemagne est criant : après l’arrêt du nucléaire et trop de subventions accordées aux EnR, le pays a dû se tourner vers le charbon allant au revers de son ambition première : réduire les émissions de CO2.


Décideurs. Quel est l’apport d’Eni Gas & Power France pour le développement durable ?

D. F.  Eni Gas & Power France veut contribuer au développement durable et à la diminution des émissions de carbone à travers l’efficacité énergétique et des services qui visent à mieux et moins consommer. Dans cette optique, nous avons mis en place des services énergétiques, pour le moment très orientés vers les entreprises qui ont une sensibilité à ces problématiques plus développée. Par exemple, nous leur proposons de réaliser des audits énergétiques afin de répertorier les sources d’économie d’énergie potentielles. Le grand public peut aussi bénéficier de ce dispositif : nous versons une aide financière aux clients qui souhaitent effectuer des travaux de rénovation énergétique (chaudières à condensation, isolation des combles ou des murs…) via les certificats d’économie d’énergie.


Propos recueillis par Jennifer Lormier

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