Rachetée en 2017 par la Banque Postale, la plateforme de crowdfunding KissKissBankBank a été vendue à son concurrent Ulule. Elle fait les frais du revirement stratégique de la banque, ainsi que des difficultés croissantes que rencontre le secteur du financement participatif.

Pas de miracle de Noël pour la plateforme de financement participatif KissKissBankBank. Fondée en 2009 et acquise en 2017 par la Banque Postale, la société est revendue à son principal concurrent, Ulule – qui entend continuer de faire vivre les deux marques. Depuis leur création, ces plateformes ont à elles deux financé 80 000 projets et collecté plus de 480 millions d’euros.

KissKissBankBank paie les pots cassés du changement stratégique de la Banque Postale, opéré depuis l’arrivée de son nouveau président, Stéphane Dedeyan en 2023, qui se recentre désormais sur ses fondamentaux rentables. Cette vague de cessions concerne l’ensemble de KissKissBankBank & Co, qui englobe la structure du même nom mais aussi Goodeed (régie publicitaire solidaire), Youmatter (média et formation RSE) et Lendopolis (financement d’énergies renouvelables). Dans cette succession de carve-out, cette dernière a d’ores et déjà été cédée à Lendosphere, son concurrent direct. Des opérations qui s’expliquent aussi par la période compliquée que connaît l’univers du financement participatif.

La traversée du désert du crowdfunding

À la différence d’autres segments d’activités, le crowdfunding a pâti de la politique de quantitative easing pratiquée par la Banque centrale européenne (BCE) entre 2016 et 2022. Les taux directeurs faibles ont rendu les prêts à nouveau compétitifs, permettant aux institutions bancaires de réattirer les entrepreneurs qui n'avaient plus d'intérêt à utiliser ces modes de financement alternatifs.

Le financement participatif a fini par perdre une partie du charme qui le caractérisait il y a encore une décennie. Pour les banques traditionnelles, il constituait alors un moyen de s’adresser plus directement aux emprunteurs. En outre, les utilisateurs du crowdfuding sont majoritairement des entrepreneurs et non des particuliers, ce qui induit potentiellement un plus grand volume d’investissement, et donc une plus grande récurrence des prêts. Les banques imaginaient aussi ces plateformes comme une occasion de diriger l’épargne vers des projets responsables.

Finalement, du fait de l’assouplissement monétaire décidé par la BCE, les banques ont pu jouir directement de ces avantages, en s’appropriant ces différents leviers grâce à une force de frappe avec laquelle les plateformes de financement participatif n’ont pas pu rivaliser.

Selon le baromètre semestriel du crowdfunding de Forvis Mazars, les six premiers mois de 2024 ont enregistré une baisse du montant collecté de 24,9 % par rapport à la même période l’année précédente

Une perte de vitesse qui se caractérise aussi dans les chiffres. Selon le baromètre semestriel du crowdfunding de Forvis Mazars, les six premiers mois de 2024 ont enregistré une baisse du montant collecté de 24,9 % par rapport à la même période l’année précédente, passant ainsi de 1,106 milliard d’euros à 830 millions. Le nombre de projets financés chute lui de 28 %. 

Cependant, les plateformes de crowdfunding ne sont pas les seules à connaître des difficultés. C’est tout une frange de la fintech qui tire la langue : de Luko à la néobanque Shine, de nombreux acteurs ont changé de propriétaire ces deux dernières années. Pourtant, ces modes de financement participatif demeurent privilégiés par de nombreux acteurs, notamment sur Twitch ou YouTube, et conservent un avenir certain dans le paysage de l'investissement français. 

Tom Laufenburger

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