À 49 ans, l’emblématique directeur juridique d’Orange réputé pour ses compétences techniques et ses qualités humaines, par ailleurs président du Cercle Montesquieu, se pose comme l’ambassadeur des juristes d’entreprise français. Portrait d’un grand expert doté d’une authentique bienveillance.

Nicolas Guérin est sans doute l’un des juristes les plus talentueux de sa génération. Arrivé chez France Télécom il y a vingt ans, cet homme réputé pour son calme et sa tempérance, a su, au fur et à mesure des années, affûter son analyse et gravir les échelons. Jusqu’à prendre la tête de la direction juridique du groupe et de ses 728 juristes en 2009. « J’ai l’impression d’être arrivé hier, assure-t-il pourtant, sourire aux lèvres. Mon parcours a été un renouvellement permanent. » 

Polyvalent

Outre ses compétences techniques, celui qui s’impose comme l’un des experts les plus avertis du pays en droit de la concurrence, est devenu l’une des clefs de voûte de la stratégie globale de l’entreprise. « Il est doté d’une intelligence de situation remarquable, témoigne Martial Houlle, directeur juridique de Direct Énergie, qui l’a côtoyé plusieurs années chez Orange. Il est très écouté en interne, notamment pour le caractère polyvalent de son expertise. »

 « J’ai l’impression d’être arrivé hier. Mon parcours a été un renouvellement permanent. » 

Des compétences indéniables doublées d’un leadership naturel qui font de lui le chef de file de toute une profession. Président du Cercle Montesquieu — l’association des directeurs juridiques— depuis deux ans, et à la tête de la commission droit public économique au Medef, il milite activement, mais avec pédagogie, pour une plus juste reconnaissance du statut des juristes d’entreprise. 

Expert en concurrence et régulation

Plus jeune, il ne rêvait pourtant pas d’intégrer l’une des directions juridiques les plus importantes du pays. Et pour cause : l’étudiant se tourne d’abord vers les sciences. Après avoir démarré des études de mathématique  ̶  dont il conservera la mémoire des chiffres  ̶ , il entreprend une formation juridique à la faculté d’Assas et intègre l’Institut de droit des affaires. Ce qui lui plaît ? Le caractère pratique de la formation. « Pour moi, c’était deux heures de récréation », se souvient-il avec un bonheur non dissimulé. Après un DESS de droit des affaires et fiscalité, il fait ses premières armes en entreprise en qualité de contrôleur de gestion. « Cette expérience m’a confirmé que j’étais fait pour le droit », assure le juriste, qui, très vite se démarque par la justesse de son analyse. En 1998, après un rapide passage chez SFR, il rejoint France Télécom en qualité d’expert en concurrence et régulation.

Juriste contentieux

« Notre secteur a été le premier à être dérégulé, raconte-t-il, tout en reconnaissant avoir connu des débuts difficiles au sein de l’entreprise. France Télécom a été condamné très fortement car nous ne connaissions pas les règles. » Pragmatique et travailleur, le juriste comprend qu’il doit se former au nouveau droit en vigueur. Progressivement, Orange se construit une défense et perd de moins en moins d’affaires. « Dans un secteur comme celui des télécommunications, il faut une bonne analyse stratégique pour comprendre et anticiper les réactions des régulateurs », explique Christophe Clarenc, l’un des avocats d’Orange depuis près de vingt ans.

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Nicolas Guérin à l'occasion de la remise des Trophées du droit en 2014.

Homme de terrain, Nicolas Guérin est nommé directeur juridique concurrence et régulation en 2003 puis directeur juridique du groupe six ans plus tard. Mais pas question de prendre la grosse tête. Cet orfèvre du droit aime sortir de sa zone de confort et revendique aujourd’hui encore son profil de « juriste contentieux ». Pourquoi n’avoir jamais envisagé de porter la robe ? « Parce que la procédure ne m’intéresse pas, affirme-t-il, fier de la maison à laquelle il appartient. Nous traitons aujourd’hui près de quatre-vingts opérations de M&A chaque année, et un nombre très important de contentieux. Aucun cabinet d’avocats ne gère un volume d’affaires aussi important. »

Une grande profession du droit

Seulement voilà, Nicolas Guérin le sait : les juristes français, parce qu’ils ne disposent pas du legal privilege  ̶  le sacro-saint secret professionnel réservé aux avocats  ̶  sont aujourd’hui limités dans leur capacité d’action. « Si leur statut n’évolue pas, les directions juridiques n’auront pas d’autre choix que d’employer des juristes à l’étranger qui, eux, bénéficient de cette prérogative », prévient le président du cercle Montesquieu, convaincu que, pour pérenniser le « business du droit des affaires » en France, le rapprochement des professions juridiques est indispensable. « Nous militons pour un tronc commun dès la Faculté, à l’image du modèle américain », préconise-t-il. Une vision qu’une partie des avocats partagent, là où d’autres craignent de perdre certains acquis. Peu importe. À en croire le directeur juridique, le mouvement vers une « grande profession du droit » est en marche. « Nous travaillons activement avec l’EFB, Bercy, le ministère de la Justice et les tribunaux de commerce », déclare-t-il, confiant en l’avenir.

« Il sait traverser les orages avec maîtrise. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu un jour se départir de son calme sous la pression.» Christophe Clarenc 

Humain et bienveillant

S’il s’impose comme la figure de proue des juristes d’entreprise, Nicolas Guérin n’a rien d’un vaniteux. Bien au contraire. « Il n’est pas à la tête de l’association pour se faire mousser, mais pour porter le témoin, assure Martial Houlle, secrétaire général du Cercle Montesquieu. Très humain et bienveillant, il n’aime pas la lumière pour la lumière et met facilement les autres en avant. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir de l’autorité et de prendre des décisions. » Reconnu pour ses qualités humaines et son abord facile, le directeur juridique est aussi largement apprécié pour son sens de la pédagogie. « Il sait traverser les orages avec maîtrise, confirme Christophe Clarenc. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu un jour se départir de son calme sous la pression. Il a une vraie capacité à expliquer les choses simplement, ce qui permet une très grande fluidité dans les relations professionnelles. » Son seul défaut ? Il réfléchit sans doute trop vite. « Il ne se rend parfois pas compte que ses interlocuteurs n’ont pas le même niveau de compréhension que lui, note Martial Houlle, avant de tempérer : généralement il s’en aperçoit de lui-même et revient en arrière. » Un modèle de leadership.

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

 

Bio express

1998 : Intègre France Télécom en qualité de juriste concurrence et régulation.
2003 : Nommé directeur juridique et réglementation.
2009 : Nommé directeur juridique du groupe et secrétaire du conseil d’administration.
2013 : Nommé président du comité d’évaluation et d’orientation de la chaire droit de l’espace et des télécommunications à l’Université Paris-Sud.
2014 : Nommé président de la commission Droit public économique du Medef.
2016 : Élu président le Cercle Montesquieu, l’association des directeurs juridiques.

 

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