La robotisation menace aussi les créatifs
Le deep learning est une forme particulière de machine learning (apprentissage automatisé des algorithmes), pensée pour mimer le cerveau humain. Elle consiste à créer des réseaux de neurones virtuels en rangs hiérarchisés et dont les différentes connexions évoluent en fonction des informations traitées. Pour se le représenter, il est possible de se figurer l’eau d’une fontaine d’information qui glisse sur le lit d’une rivière pleine de rochers : elle peut choisir d’emprunter un chemin ou l’autre et à mesure creuser un sillon, permettant à un volume plus important d’y passer par la suite. La beauté du système réside dans le fait que l’information est codée par le réseau particulier de neurones activé, le chemin pris par le filet liquide. Cette forme d’organisation permet au système d’apprendre, de s’adapter, mais il nécessite une importante quantité de données pour s’entraîner jusqu’à obtenir un réseau optimal.
Dans le domaine du marketing, l’intelligence artificielle (IA) a jusqu’ici essentiellement servi de support, permettant de tirer des informations cruciales de la masse de données générées par les consommateurs. Ce premier domaine a déjà connu de grandes évolutions, en témoignent les efforts de Google pour exploiter ces algorithmes intelligents. L’entreprise a annoncé lors de la Google Marketing Next Conference en 2017 qu’elle entendait inclure cette technologie dans son dispositif Google Store Measurement. Celle-ci se fonde sur un ensemble divers de données afin d’identifier les habitudes des consommateurs pour ce qui est de la fréquentation de magasins physiques. Le marketing est aussi l’un des marchés visés par IBM avec sa fameuse IA, Watson. Jean-Philippe Desbiolles, qui travaille sur ce type de service au sein de l’entreprise, explique ainsi l’objectif recherché à RelationClient Mag : « L’intelligence artificielle analyse les propos, en déduit des besoins plus ou moins immédiats et, de ces prédictions, amène le consommateur à des offres ou des services. C'est une architecture que nous avons baptisée Evidence Based System. Pour aller encore plus loin dans la précision, Watson est en mesure de sonder le Web et d'amalgamer de nombreuses sources de données en temps réel pour disposer d'une vision à 360° du consommateur, lui donner une réponse contextualisée. »
Mais si l’IA se cantonne pour l’instant essentiellement à ces fonctions d’analyse et d’aide du consommateur, elle pourrait bien, un jour, remplir aussi les fonctions de création. C’est ce qu’a tenté de démontrer Shun Matsuzaka, de la société publicitaire McCann Millenials, en organisant un duel entre sa machine, nourrie de données tirées des publicités les plus populaires des dernières années au Japon, et Mitsuru Kuramoto, directeur créatif. L’objet du défi consistait à créer une publicité pour des pastilles à la menthe puis soumettre les deux films produits sur cette base au vote populaire ainsi qu’à l’avis des experts. Si les internautes japonais se sont prononcés par une courte majorité en faveur de la publicité produite par l’humain, les experts ont en revanche plébiscité l’œuvre de la machine.
Cet exemple n’est que la traduction logique dans le domaine du marketing de la capacité créative, déjà démontrée, dont peuvent faire preuve les intelligentes artificielles basées sur le deep learning. L’ensemble des domaines couverts par les agences digitales pourraient être concernés : conception de sites internet, création d’applications ou d’identités graphiques, les seules limites étant de disposer de suffisamment de données pour « nourrir » les machines et l’imagination. Calquées sur le cerveau humain, elles sont capables de s’adapter, de faire des erreurs, d’intégrer, d’analyser et donc logiquement de créer. Une leçon pour tous ceux qui pourraient se croire à l’abri de la robotisation.
Maxime Benallaoua