Christian Kamayou (MyAfricanStartup) : « L’Afrique est un continent d’entrepreneurs »
Décideurs. Comment est né le projet et quels objectifs poursuit-il ?
Christian Kamayou. Si les initiatives de création d’entreprises ne manquent pas sur le continent, elles rencontrent un obstacle majeur quand se pose la question du financement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Selon Disrupt Africa, il y aurait 150 millions de dollars de fonds levés en 2016 en Afrique en direction des projets de start-up, contre quatre milliards de dollars en Inde… En Février 2017, Partech Ventures révèle plutôt 370 millions de dollars orientés vers 77 opérations. Une progression de 33 % en un an. à ceci s’ajoute, un autre problème : les personnes qui disposent de patrimoine financier susceptibles de devenir business angels manquent d’outils fiables pour identifier ces entreprises. Ce palmarès annuel MyAfricanStartup 100 que nous venons d’éditer, permet d’aider toutes ces catégories d’investisseurs en fournissant une information annuelle sur les start-up à observer de près.
Quelle a été la méthodologie retenue ?
Nous nous sommes d’abord attachés à définir un premier filtre avec le type de sociétés : pour la plupart, des sociétés localisées en Afrique ayant moins de cinq ans d’activité et moins d’un million de dollars de chiffre d’affaires. Ensuite, ces sociétés devaient être innovantes en termes de service ou de technologie. Leur offre doit intéresser un marché domestique mais avoir aussi un potentiel de développement important vers d’autres pays.
La méthodologie a été établie avec le partenariat du centre d’entrepreneuriat d’HEC Paris. Le sourcing d’environ 800 start-up a été réalisé par nos enquêteurs avec l’appui des acteurs locaux : patronats, structures accompagnant les jeunes créateurs d’entreprise (incubateurs, pépinières), presse locale, les fonds d’investissement et diverses bases de données. Le jury a délibéré afin de retenir le palmarès final, composé de 100 sociétés. Le jury était composé entre autres de représentants de HEC Paris, du cabinet d’avocats Orrick, de l’agence de communication 35°Nord, de l’Investisseur Emerging Capital Partners (ECP), ainsi que les directions Afrique ou de l’innovation d’Air France, CFAO.
Outre la question du financement déjà évoquée, à quelles autres difficultés les entrepreneurs africains sont-ils confrontés ?
Mettez-vous dans la peau d’un entrepreneur africain. Tout est plus compliqué qu’ailleurs. Transport, internet, banques, technologie… Le manque d’infrastructures est un frein immense. Et pourtant, ils réussissent, et même très bien pour certains d’entre eux, car l’adversité à laquelle ils doivent faire face en permanence se révèle être, paradoxalement, un formidable atout. Elle les oblige à une créativité à un niveau d’innovation à moindre coût, qui devient par conséquent accessible à tous. L’innovation africaine, par sa frugalité nécessaire, remplit donc toutes les conditions d’une adoption large et rapide.
Pensez-vous, comme certains le mettent aujourd’hui en avant, que le futur de l’Afrique passera nécessairement par l’entreprenariat ?
En raison du boom démographique, l’entreprenariat apparaît aux yeux de certains comme une solution, une troisième voie pour booster l’emploi des jeunes et absorber la demande d’emploi. L’Afrique est un continent d’entrepreneurs qui sont très inventifs. Mais nombre de ces initiatives manquent de visibilité ou de conditions optimales pour grandir : tout l’enjeu est de présenter les start-up prometteuses sur la scène internationale, afin de les encourager. Rechercher les pépites ou les futures licornes. C’est le sens de ce palmarès annuel : mettre en avant des entrepreneurs innovants, ayant des besoins de capitaux pour développer leur activité. Avec ces exemples, on suscite des vocations pour entreprendre en Afrique. Tout le monde ne peut pas devenir un entrepreneur à succès, mais tout le monde peut tenter d’entreprendre.
E.S.