L’annonce de la fusion entre le Racing 92 et le Stade français avait fait l’effet d’une bombe. Il n’aura fallu que six jours pour que le projet soit reporté sine die. Un échec qui en rappelle d’autres dans le monde de l’ovalie où fusion rime souvent avec déception.

Annoncée par ses instigateurs comme le moyen de « bâtir, jour après jour, une vraie référence » dans le rugby, la fusion du Racing 92 et du Stade français a fait long feu. Conçue dans le secret par leur président respectif Jacky Lorenzetti et Thomas Savare, elle prévoyait le rapprochement des deux clubs d’élite qui totalisent à eux deux vingt-deux titres de champions de France. Un projet qui dénotait dans un paysage sportif où les fusions répondent habituellement à l’impérieux besoin d’assurer leur survie ou à la volonté de s’inviter dans le monde très fermé du sport professionnel.

Officialisé, le projet déclencha un déluge de réactions hostiles. Les supporters, c’était à prévoir, s’élevèrent d’autant plus violemment contre cette décision que les deux clubs, séparés d’à peine quelques kilomètres, nourrissent une rivalité ancestrale. Ils furent immédiatement rejoints par les joueurs des deux équipes, la Fédération française de rugby (FFR) et la Mairie de Paris, surpris de ne pas avoir été consultés. Alors même que rien ne semblait pouvoir légalement entraver une fusion décidée en conclave, le 18 mars, contre toute attente, Jacky Lorenzetti et Thomas Savare annonçaient, à contrecœur, renoncer. « Peut-être avons-nous eu raison trop tôt, l’avenir nous le dira », déplore le président du club ciel et blanc.

Facteurs humains

Un échec parmi d’autres. Ces dernières années, le monde de l’ovalie a connu plusieurs fusions, aux issues plus ou moins heureuses. Impossible d’identifier l’ensemble des causes d’un fiasco tant chaque opération est singulière. Cependant, plus encore que les opérations de M&A menées dans d’autres secteurs, le succès d’une fusion dans le monde du sport dépend d’une kyrielle de facteurs spécifiques, bien souvent humains. Premier obstacle pouvant s’avérer fatal, les supporters et les amateurs. Particulièrement attachés à l’identité et à l’histoire de leur club, ils constituent bien souvent l’achoppement à un projet de rapprochement. Au point, parfois, de le réduire à néant. C’est ce qu’ont connu en 2015 Serge Blanco, président du Biarritz olympique, et Manuel Mérin, son homologue de l’Aviron bayonnais. Confrontés à l’effondrement de leurs budgets, les deux hommes avaient entrepris de fusionner leurs sections professionnelles pour donner naissance à un unique représentant du rugby de la région basque. Peine perdue : prévue par les règles de la FFR, la consultation des sections amateurs tourna au plébiscite anti-fusion. Le projet fut enterré et, déçus, Serge Blanco et Manuel Mérin abandonnèrent leur poste. Autre facteur de risque : le spectre de l’absorption. Annoncée comme un mariage entre égaux, la fusion peut davantage ressembler à des funérailles et se solder in fine par la disparition de l’un des époux. C’est ce qu’avait constaté le CA Lannemezan après sa fusion avec le Stadoceste tarbais en 2000. Mécontent que l’ensemble des infrastructures du nouveau club, le LT 65, soit basé à Tarbes, Lannemezan avait jeté l’éponge. Le LT 65 n’aura connu qu’une saison.

Plus fort que l’entreprise, un esprit d’équipe

Il est impossible de réduire une fusion entre clubs à une banale opération de M&A entre deux sociétés. Bien entendu, ces rapprochements sont soumis aux mêmes impératifs légaux et réglementaires. Comme n’importe quelle entreprise, les clubs doivent par exemple respecter les procédures sociales préalables à une fusion : le dialogue social avec les salariés s’impose. Une étape qui a cruellement fait défaut dans la tentative de fusion entre le Racing 92 et le Stade français. Plus que ces impératifs traditionnels, c’est le poids culturel du sport et l’histoire de chaque club qui constituent un obstacle supplémentaire au succès d’une fusion. « Un club est une entreprise où l’histoire, les victoires et le palmarès ont une valeur très importante », confirme à 20 Minutes Yann Roubert, président du LOU Rugby. Une précision qui explique la difficulté de parvenir à rapprocher deux équipes rivales, d’autant plus quand leurs palmarès sont comparables. « Les fusions entre rivaux sont vouées à l’échec. Culturellement, c’est impossible », reconnaît au journal Frédéric Jouve, président du club de basket des Sharks d'Antibes. 

Préparation secrète, absence de consultation des salariés, annonce surprise, opposition farouche d’une grande partie des supporters, appréhension du Stade français de se faire absorber in fine… autant de signes avant-coureurs d’une fusion Racing 92/Stade français, qui s'annonçait périlleuse voire impossible. Pourtant, il semble que Jacky Lorenzetti, à la tête d’un club dont l’histoire est jalonnée de fusions, n’ait pas dit son dernier mot.

Sybille Vié

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