Cofondateur de Web Atrio, société de services informatiques créée il y a cinq ans et qui compte aujourd’hui 75 salariés, Rémi Gaubert a du mal à se définir autrement que comme cogérant. Normal, Web-Atrio est une entreprise libérée. Ce qui implique des prises de décisions partagées, un fonctionnement horizontalisé et un leadership fondé sur les seules compétences.

Décideurs. Quels sont, selon vous, les critères qui définissent une entreprise libérée ?

Rémi Gaubert. Une entreprise libérée n’a pas de hiérarchie. Elle fonctionne en « réseau de neurones » : chacun a ses sujets, ses compétences, sa fonction et toute décision se prend en concertation. Les rôles sont complémentaires et leur répartition se fait hors de toute logique verticale. Une organisation libérée repose sur une hiérarchie de compétences, non de pouvoirs. La confiance est l’ingrédient essentiel : c’est ce qui fait que l’information circule, que les expertises se partagent et que les décisions se prennent conjointement, non pas sous la forme d’un consensus mou mais grâce à une remise en question permanente des uns et des autres.

 

Quels sont les avantages et, à l’inverse, les limites de ce type d’organisation ?

Un fonctionnement horizontal permet de responsabiliser l’ensemble des salariés en rendant chacun partie prenante des processus de décision. Cela crée une émulation collective, une implication et une motivation plus fortes que dans une structure classique, chaque collaborateur se comportant un peu en cofondateur. Supprimer les fonctionnements verticaux donne du sens : l’information circule, les décisions se prennent plus vite… Au bout du compte, cela se traduit par une source de valeur ajoutée pour le client et par un gain global pour l’entreprise. Pour autant le modèle ne convient pas à tout le monde. Travailler dans une entreprise libérée revient à renoncer aux jeux de pouvoirs et à toutes les formes de calculs politiques qui dominent généralement dans les organisations hiérarchisées. Cela peut être vécu comme une forme de chaos et entraîner une perte de repères.

 

Comment s’organise le pouvoir dans une organisation libérée ?

Il découle des compétences et est indissociable de la notion de résultat. Lorsqu’une décision doit être prise sur un sujet donné, toutes les personnes impliquées sont consultées, appelées à donner leur avis en fonction de leurs compétences. Autre exemple, pour poser un congé on ne le demande pas à « la personne en charge » mais aux collègues avec qui l’on travaille, la question n’étant pas d’obtenir l’autorisation d’un supérieur mais de s’assurer que le projet en cours n’en pâtira pas.

 

Le leadership peut-il s’exercer hors relation hiérarchisée ?

Bien sûr. Il y a toujours, au sein d’une équipe, des personnalités qui émergent et qui, sur tel ou tel sujet, prennent la main, organisent une réunion, lancent une initiative… Ce sont des leaders non pas décrétés mais naturels. Ils s’imposent par la compétence et non par un quelconque désir de mainmise sur le reste de l’équipe. La différence est fondamentale. Dans une organisation horizontalisée, le leadership est déconnecté des notions de pouvoir et d’autorité.

 

Quelles doivent être les qualités d’un leader dans une organisation libérée ?

Dans une structure au fonctionnement vertical, le premier attribut du leader est souvent sa capacité à exercer le pouvoir. Dans une entreprise libérée il en va différemment puisqu’il s’agit d’une méritocratie : les seules véritables qualités requises sont les compétences, humaines et techniques. À cela s’ajoutent le sens du dialogue, l’honnêteté et la franchise : trois composantes essentielles puisque ce type d’organisation place la transparence et la confiance accordée aux uns et aux autres au cœur de son fonctionnement. Si les gens vous jugent légitimes et ont confiance en vous, alors l’autorité devient inutile : le leadership s’impose.

 

Propos recueillis par C. Ca.

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