Altice impose sa marque à SFR
La règle des criminels en cavale vaut aussi pour les entreprises à la recherche d’un second souffle : rien de tel qu’un changement de nom pour faire oublier ses déboires passés. La marque de l’opérateur SFR, qui célèbre son trentième anniversaire en 2017, n’a pas résisté aux difficultés récentes du groupe et sera remplacée par le nom de sa société mère, Altice. Cette holding luxembourgeoise, propriété du magnat des télécoms et des médias Patrick Drahi, veut ainsi tirer un trait symbolique sur les retards accumulés dans l’extension des réseaux 4G, l’annonce de la suppression de 5 000 postes d’ici à 2019 ou encore la perte de centaines de milliers d’abonnés depuis l’arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile. Ironie ou pas du calendrier, le slogan de l’opérateur au carré rouge était devenu en 2017 « Pour vous, SFR change ». Un léger euphémisme au vu de la réalité.
L’émergence d’un groupe mondial intégré
S’il faut des années pour construire une marque forte, une conférence de presse de quelques dizaines de minutes suffit pour y mettre un terme. Devant des salariés et journalistes réunis à New York ce mardi 23 mai, Patrick Drahi s’est exprimé afin d’expliquer ce renouveau marketing. Le lieu de cette annonce n’est pas anodin puisque les États-Unis constituent le marché prioritaire dans les années à venir pour le développement du groupe. SFR donc, mais aussi PT Portugal, Hot en Israël, Suddenlink et Optimum aux États-Unis vont disparaître dans leur forme actuelle pour laisser place à la marque Altice. La création d’une aura mondiale derrière une appellation unique devrait, selon l’état-major de la société, participer au renforcement de l’image d’Altice auprès des investisseurs américains avant l’introduction en Bourse prévue cette année. Ce changement global devrait s’opérer en douceur puisque chaque marque sera accompagnée de la mention Altice pendant plusieurs mois avant de disparaître définitivement à la fin du deuxième trimestre 2018.
La holding, jusque-là connu des milieux d’affaires et de la presse spécialisée, souhaite désormais imposer sa marque au grand public. Ce sont plus de cinquante millions de clients, des deux côtés de l’océan Atlantique, qui seront à terme affectés par ce bouleversement, dont les rouages ont été confiés à Publicis et son agence de design Turner Duckworth. Au-delà du changement de nom à l’échelle mondiale des activités télécoms, une nouvelle signature (« Together has no limits ») et un nouveau logo ont été présentés. Ce dernier, surnommé « le chemin », affiche un « a » minuscule symbolisant les réseaux et la convergence du groupe.
De lourds investissements à venir en matière d’image
Directrice de l’agence Brandimage, Delphine Dauge a déclaré aux Échos que « pour Altice, toute une notoriété est à rebâtir ». Après des années de croissance externe, la société de Patrick Drahi doit consentir à d’importants investissements médiatiques afin d’asseoir sa nouvelle identité. Lorsque France Télécom est devenu Orange, ou plus récemment quand GDF Suez s’est mué en Engie, ce sont des campagnes publicitaires colossales qui ont accompagné ces bouleversements. À terme, Altice espère réaliser « des économies d’échelle dans le marketing, la publicité, l’achat d’espace ».
Il est à noter que ce changement de nom ne concerne en revanche pas les offres ciblées du groupe, à l’instar de Red dans la téléphonie mobile low cost. Les activités médias ne sont pas non plus affectées. BFM-TV, RMC ou encore Libération et L’Express conserveront tous leurs noms d’origine. Il en va de même pour Teads et les offres d’Altice dans le secteur de la publicité.
Thomas Bastin
@ThomasBastin