Terre promise des sociétés surfant sur les nouvelles technologies, le Nasdaq et ses multinationales à succès continuent de faire des jaloux. Les dirigeants du Vieux Continent espèrent réorienter les ambitieux vers un marché de capitaux spécialisé, à la sauce européenne. Pour s'imposer, le projet devra dépasser certains obstacles et ne pas suivre l'exemple de ses prédécesseurs...

En 1997, les spécialistes européens du capital-risque créent l’Easdaq. Cet indice boursier, imaginé comme le pendant du Nasdaq, doit alors favoriser l’émergence de géants des nouvelles technologies sur le Vieux Continent en offrant des liquidités aux projets visant une forte croissance. Un événement inattendu, l’explosion de la bulle Internet, emporte la fragile initiative qui s’achève prématurément dès 2003. Vingt ans après la naissance de cette première Bourse technologique à l’échelle communautaire, l’idée retrouve de l’éclat. « Il faut un Nasdaq européen », affirme notamment Fleur Pellerin, ancienne ministre déléguée à l’innovation et aujourd’hui à la tête du fonds Korelya. Comment expliquer ce regain d’intérêt après une première expérience si malheureuse ?

 

Combler le fossé séparant l’Europe de ses rivaux

 

Outre-Atlantique, l’exemple américain brille de ses multiples succès et fait pâlir d’envie les autres puissances mondiales. Google, Facebook, Intel, Gilead, Tesla, Qualcomm… Inauguré en 1971, l’indice phare des valeurs technologiques regorge de champions à l’aura internationale et continue d’attirer les pépites du monde entier. « Le Nasdaq reste le Graal, accessible à peu d'élus », comme le confie aux Echos Loïc Rivière, délégué général de Tech in France. Thomas Tuchscherer, directeur financier de la société française Talend, introduite en juillet 2016, va dans le même sens : « Le Nasdaq est la place de marché idéale pour les sociétés technologiques en croissance. » Rejoindre cet indice, c’est d’abord exposer sa réussite aux yeux du monde et attirer l’attention d’investisseurs ambitieux pour poursuivre son développement.

 

1 044 : c'est le nombre d’introductions en bourse réalisées sur le Nasdaq depuis 2000 (record parmi les bourses américaines)

 

En Europe, le très faible nombre de géants du numérique ou des nouvelles technologies désespère la classe politique qui craint une bipolarisation économique entre les États-Unis et la Chine. Si la création de start-up est toujours aussi prolifique, la conversion de ces jeunes pousses en ETI ou en mastodontes internationaux pose toujours problème. Outre l’étroitesse des marchés domestiques et l’absence d’harmonisation normative à l’échelle communautaire, c’est le cloisonnement des liquidités qui invite au scepticisme. Isabelle Saladin, présidente d’I&S Adviser, regrette ainsi dans les colonnes de Maddyness qu’« à ce jour, l’Europe compte une vingtaine de places boursières différentes, éclatant d’autant les capitaux et sources de financement ». Les lacunes de la chaîne de financements proposée aux start-up semblent irrémédiablement tirer les ambitions des entrepreneurs vers le bas.

 

La France est ici visée. Alors que la valeur et le volume des fonds levés par les start-up tricolores en 2016 ont atteint leur plus haut niveau depuis six ans, il n’y a toujours pas l’ombre d’un Microsoft ou d’un Amazon hexagonal. L’idée du Nasdaq européen prend ici tout son sens pour dessiner un nouveau cercle vertueux. La potentialité d’une introduction en Bourse pertinente gonflerait la valorisation des start-up et PME, rendant automatiquement l’activité du capital-risque plus rentable. Plus de fonds seraient alors disponibles pour la phase d’amorçage et les perspectives de long terme des jeunes entreprises innovantes seraient renforcées. Avec plus de moyens, plus tôt, les sociétés pourraient croître plus vite. Une fois cotées, les sociétés s’appuieraient sur des gains de visibilité et un afflux de fonds importants pour atteindre une taille critique et conquérir des marchés globaux. Au vu des bénéfices escomptés, pourquoi une telle place de marché n’a-t-elle pas encore vu le jour ?

 

Une alternative fragile et des mesures audacieuses à prendre

 

« Le Nasdaq européen existe : c'est Euronext. » Stéphane Boujnah, directeur de la place de marché transnationale défend sa paroisse dans La Tribune mais peine à convaincre les experts du secteur. Malgré le lancement de l’indice Tech 40 en 2015 (tenant plus du label que de l’indice, du marketing que du financier), aucun marché de capitaux spécialisé n’a encore atteint le volume nécessaire afin d’offrir la rampe de lancement espérée par les sociétés innovantes. L’attractivité d’Euronext n’est pas (encore) suffisante et le nombre d’investisseurs gonfle difficilement. C’est aussi le manque de valorisation spécifique du secteur technologique qui interroge.

 

Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale, Laurent Arthaud, managing director chez Bpifrance, assure que « le Nasdaq a été créé parce que les fonds de pension ont été obligés de placer 2 % de leurs investissements dans du capital-risque. » En incitant les mutuelles et les gestionnaires d’assurances-vie, à investir dans les start-up, l’expert pense que ces acteurs s’approprieront le sujet et accéléreront la constitution d’une place de marché pouvant leur assurer de juteux retours sur investissement. Afin de faire progresser l’innovation, il est toujours judicieux d’encourager les intérêts privés. La Bourse technologique européenne pourrait ainsi naître de l’alignement favorable des impératifs géopolitiques, du dynamisme entrepreneurial et des ambitions financières.

 

Thomas Bastin
@Thomas Bastin

 

 

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