En autorisant leurs entreprises à exploiter les ressources du cosmos, les législateurs américain et luxembourgeois ont frappé fort. Un premier pas vers une nouvelle course à l’espace qui n’est plus idéologique, mais bien économique.

La course à Mars est déjà lancée. En compétition, SpaceX, portée par le très médiatique Elon Musk, mais aussi Blue Origin, fondé  par le créateur d’Amazon Jeff Bezos, ou encore Boeing, qui a annoncé sa volonté de créer une fusée capable de partir à l’assaut de la planète rouge. Plus discrètement, une autre course à l’espace a commencé : celle de l’exploitation des ressources minières des objets cosmiques, et en particulier des astéroïdes. Certains de ces corps rocheux qui gravitent autour du soleil contiennent des ressources très précieuses comme le platine, le nickel, le carbone ou l’eau. « C’est un sujet essentiel pour le futur de l’humanité », affirme Jean-Jacques Dordain, ancien directeur de l’Agence spatiale européenne (ESA). « Les ressources de la Terre ne sont pas infinies. » Des entreprises comme les américaines Deep Space Industries et Planetary Resources se sont déjà lancées dans la course, la première en mettant au point un moteur à eau permettant aux vaisseaux de se ravitailler directement dans l’espace, la seconde en cartographiant les astéroïdes aux orbites proches de celui de la Terre. Boosté par un droit favorable, leur développement se concentre désormais dans deux pays ayant choisi d’autoriser l’exploitation et la vente de ressources spatiales : les États-Unis avec le Space Act, entré en vigueur en 2015, et le Luxembourg, premier pays européen à lui avoir emboîté le pas en février dernier, avec le programme Space Resources.

 

Légale ou pas, il semblerait que la course à l’espace se joue désormais dans le privé

Marché à longue portée

Au vu du droit international pourtant, le procédé n’est pas tout à fait légal. « Le Traité de l’espace de 1967 interdit toute forme d’appropriation nationale de l’espace, par proclamation de souveraineté, par voie d’utilisation ou d’occupation ou par tout autre moyen », rappelle Philippe Achilleas, professeur à l'université de Caen et directeur de l'Institut du droit de l'espace et des télécommunications. Mais légale ou pas, il semblerait que la course à l’espace se joue désormais dans le privé. Aux Émirats arabes unis et en Chine, des discussions sont en cours pour mettre en place des lois similaires. L’Europe et la France ont, quant à elles, de solides atouts dans leur manche, à commencer par une industrie aérospatiale forte avec Safran, Thales ou encore Arianespace. Mais les freins politiques et économiques restent nombreux. « L’Europe ne me semble pas en état de déployer un programme ambitieux ni de le financer, analyse l’avocat spécialiste en droit des nouvelles technologies Alain Bensoussan. Elle a d’autres priorités, notamment le Brexit. » Or, selon lui, le premier sur le terrain aura l’avantage.

 

Décollage imminent

Cela paraît science-fictionnesque, mais la faisabilité technique est bien là : la sonde japonaise Hayabusa a déjà prélevé des échantillons sur un astéroïde, tandis que l’américaine Osiris-Rex, lancée en septembre, devrait également rapporter des matériaux. « La vitesse de développement de ces initiatives dépendra du business. D’où la nécessité de ces lois, car les investisseurs ne se montrent pas s’ils n’ont pas de perspectives de profits », explique Jean-Jacques Dordain, qui officie également comme conseiller auprès du gouvernement luxembourgeois. Ramènerons-nous du platine des étoiles avant de poser le pied sur Mars ? Impossible à dire. Une dizaine d’années seulement pourraient être nécessaires pour exploiter les premières ressources, le droit agissant comme un terreau fertile pour les entreprises du secteur. Le russe Constantin Tsiolkovski, père de l’astronautique moderne, le disait lui-même : « La Terre est le berceau de l'humanité, mais qui voudrait passer sa vie entière dans un berceau ? » À méditer – la tête dans les étoiles.

 

@Camille_Prigent

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