Olivier Aldrin (Altran) : « Le directeur financier gère le risque de son entreprise »
Décideurs. En décembre dernier, le président-directeur général d’Altran, Dominique Cerutti, a présenté le plan stratégique de l’entreprise à horizon 2020, baptisé « Ignition ». Quelles sont les grandes lignes de ce plan ?
Olivier Aldrin. Nos principaux objectifs sont de dépasser les trois milliards d’euros de chiffre d’affaires et d’améliorer la rentabilité de nos activités. Pour les atteindre, Altran a défini quatre moteurs de croissance : la valeur ajoutée, c’est-à-dire notre capacité à répondre aux demandes de plus en plus larges et spécifiques de nos clients ; l’industrialisation de notre offre, grâce à la construction de la première capacité offshore du monde dans les services de recherche et développement externalisés (ER&D) ; l’excellence opérationnelle, rendue possible par une discipline irréprochable, focalisée sur le taux de facturation et l’optimisation des coûts ; et l’expansion géographique, notamment aux États-Unis, où nous souhaitons atteindre les 500 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2020. Nous avons clos avec succès le précédent plan, cela nous rend optimistes et ambitieux pour la suite.
Décideurs. Votre plan stratégique 2012-2015 incluait un objectif de free cash-flow compris entre 2 % et 4 % du chiffre d’affaires. Pourquoi cet objectif ?
O. A. Cette culture du cash est plutôt anglo-saxonne, les entreprises françaises ayant tendance à accorder une plus grande importance au résultat comptable. Mais de plus en plus d’investisseurs valorisent le niveau de free cash flow, car c’est une traduction directe de la performance de l’entreprise. Afin de diffuser cette culture au sein d’Altran, les deux cents managers sont « incentivés » sur cet objectif. Étant un groupe coté, nous avions déjà la discipline nécessaire pour atteindre cet objectif, et nous l’avons d’ailleurs dépassé : le free cash flow était de 4,7 % en 2015. Notre objectif est de le monter à 7 % d’ici 2020.
L’intégration est le facteur clé du succès d’une acquisition
Décideurs. La croissance d’Altran est portée par une forte stratégie d’acquisition. Quels sont les défis inhérents à ces opérations ?
O. A. En cinq ans, Altran a réalisé près d’une vingtaine d’acquisitions. Cette stratégie nous a permis d’améliorer notre positionnement dans certaines zones géographiques, comme les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Inde, mais aussi d’acquérir de nouvelles technologies. En tant que directeur financier, mon rôle est de superviser ces opérations délicates. Les risques de telles opérations ne sont pas uniquement financiers : lorsque nous acquérons une entreprise, nous achetons les compétences des hommes et des femmes qui la composent avant tout. Dans le secteur qui est le nôtre, l’intégration des ressources humaines est un facteur clé de succès, mais c’est également le plus compliqué à mettre en place. La probabilité de réussite n’est jamais de 100 %. Pour assurer cette intégration, nous avons des processus spécifiques d’intégration et des personnes dont c’est la fonction à plein-temps. Il nous arrive aussi d’avoir recours à des clauses d’earn-out, qui permettent de lier la rémunération des dirigeants aux résultats futurs de l’entreprise rachetée.
Décideurs. Quelles sont les qualités indispensables à un bon directeur financier ?
O. A. Cette fonction balaie un spectre très large d’activités, de la comptabilité à la gestion, en passant par la communication financière auprès des investisseurs. Pour exercer ce métier au mieux, il faut savoir conjuguer technique et maîtrise de la communication. Cette dernière prend un temps non négligeable, que ce soit envers les équipes ou nos deux mille actionnaires. Enfin, le directeur financier gère le risque de son entreprise : pour ce faire, il doit être capable de prendre un certain recul pour s’assurer que l’entreprise aura les moyens financiers et contextuels de mettre en place sa stratégie.
Propos recueillis par Aurore Mariette et Camille Prigent