L’innovation de rupture bouleverse les codes de l’entreprise
« Une innovation de rupture s’attaque non pas à un problème mais à sa source. » Ces mots de André Lorenceauu, fondateur de la start-up LiveLike, résument à eux seuls l’enjeu de l’innovation de rupture. « Nos concurrents ont misé sur l’amélioration de la qualité des vidéos en réalité virtuelle. Nous avons misé sur l’expérience sportive, en permettant aux utilisateurs de regarder un match – virtuellement – dans la même pièce que leurs amis », poursuit-il. Mais si les start-up innovantes se multiplient, il est beaucoup plus compliqué d’impulser cet élan au sein de grands groupes, comme en témoigne Étienne Gaudin, directeur de l’innovation chez Bouygues : « Si le projet est trop éloigné de nos activités historiques, nous ne pourrons pas emporter l’adhésion des salariés. »
« Rendre l’entreprise poreuse »
L’innovation prend ainsi parfois un visage moins disruptif. Bouygues a par exemple déployé le service Citybox, qui utilise le réseau d’éclairage public pour fournir des points de connexion au réseau électrique et à Internet. Même son de cloche chez FM Logistic, qui multiplie les innovations autour de son cœur de métier. L'entreprise s'est engagée aux côtés de la start-up Shippeo, plate-forme web et mobile de gestion de l'affrètement routier, pour permettre une plus grande traçabilité des trajets de livraison. Elle a également été retenue dans le cadre d'un appel à projets lancé par la mairie de Paris et expérimente actuellement un service de livraison urbaine, Citylogin, déjà testé à Rome en 2015. « Notre métier va être transformé par l’économie partagée, explique Jean-Christophe Machet, président de FM Logistic. L’impression 3D, par exemple, pourrait bientôt nous permettre d’imprimer des pièces de rechange en fonction des besoins, ce qui supprimerait la notion de stock. Il faut rendre l’entreprise poreuse et être capable de se remettre en question. »
Faire avancer le droit
Dans les faits toutefois, certaines problématiques très terre-à-terre viennent mettre des bâtons dans les roues des entreprises. « L’innovation avance très vite. Le droit beaucoup moins », affirme Marie-Hélène Tonnellier, associée chez Latournerie Wolfrom Avocats. Car en matière d’innovation, le droit est fait pour protéger les personnes physiques et non l’entreprise. Un problème de taille lorsque les grands groupes souhaitent faire émerger de nouvelles idées au sein de leurs rangs. « L’œuvre collective, qui pourrait être un bon outil, est mal acceptée par les juges », poursuit-elle. La question de l’entrée au capital des salariés dans les start-up internes se pose également. « Pour le moment, c’est très rare. Mais la question mérite toute notre attention », note Étienne Gaudin. « Ce qui est certain en revanche, c’est que ces salariés sont les agents du changement en interne. »
Propos recueillis par Camille Prigent lors du G20 Strategy & Management Summit 2016 – édition Croissance et Innovation