J.-P. Rivère (OGC Nice) : « Les nouveaux actionnaires arrivent dans une perspective plus globale que la gestion d’un club »
Jean-Pierre Rivère a annoncé l'entrée à hauteur de 80 % du capital du club du Sino-Américain Chien Lee et du Chinois Alex Zheng, hommes d’affaire actifs dans les secteurs de l'hôtellerie et de l’immobilier. Ils seront associés à Paul Conway, représentant la société Pacific Media Group, et Elliot Hayes, investisseur et conseiller en développement de société. Jean-Pierre Rivère, le président de l'OGC Nice, qui conserve 20 % du capital, est reconduit pour trois ans avec Julien Fournier (actuel directeur général).
Décideurs. Pourquoi avoir ouvert le capital à de nouveaux actionnaires ? Quelles sont vos ambitions ?
Jean-Pierre Rivère. L’objectif n’était pas de revendre le club mais de trouver de nouveaux partenaires financiers capables de nous accompagner pour continuer le projet que nous avons amorcé. Lors des discussions qui nous ont amenés à cet accord, nous leur avons, bien sûr, présenté toutes les spécificités du club. Et il est évident que l’attractivité de la Côte d’Azur fut un élément déterminant dans la mesure où ces nouveaux actionnaires sont avant tout des professionnels du secteur du tourisme et de l’hôtellerie. Ceux-ci arrivent en effet dans une perspective plus globale. Il y a, à cet égard, d’importantes synergies à créer entre la Chine et la Côte d’Azur. Dans un futur proche, nous souhaitons bâtir de nouveaux partenariats avec ce pays. Ces actionnaires ne sont pas venus pour gérer le club au jour le jour. C’est pour cela qu’ils ont souhaité conserver le management actuel pour ces prochaines années.
Décideurs. Dans quel cadre s’inscrivent les nouveaux actionnaires ? Leur arrivée est-elle synonyme d’une forte période d’investissement, ou doit-on s’attendre à une gestion de « bon père de famille » ?
J.-P. R. Ils s’inscrivent clairement dans ce deuxième cadre. Notre ligne directrice est claire : continuer le projet initialement mis en place. Pour cela, nous veillerons à conserver un équilibre budgétaire et à promouvoir les joueurs issus de notre centre de formation. Le soutien de nouveaux actionnaires va cependant nous donner davantage de moyens pour conserver nos jeunes talents le plus longtemps possible. Les actionnaires chinois et américains sont là pour le long terme avec l’envie de développer la marque OGC Nice non seulement sur le plan national mais surtout à l’international. Il est à mon sens plus aisé d’y parvenir avec des partenaires financiers aguerris aux opérations de business development. La réunion des compétences fait la réussite. Deux de nos partenaires sont co-fondateurs d’un groupe hôtelier - Alex Zheng en est le président - détenant 5 000 hôtels et comptant près de 100 millions de membres. Cela constitue une excellente base de travail pour mettre en application nos différents projets.
Décideurs. Ces velléités de développement à l’international visent-elles avant tout la Chine ? Le fait que l’État chinois ait appelé de ses vœux les acteurs privés à réaliser des investissements dans des clubs sportifs européens a-t-il joué un rôle dans leur venue ?
J.-P. R. La Chine est l’un des pays que nous visons mais il n’est pas le seul. Nous ne comptons pas brûler les étapes. Les choses se feront progressivement. Notre ambition est de participer au développement de l’OGC Nice et de la Côte d’Azur sur plusieurs années. La Chine est un pays qui s’éveille au football de façon très importante. Le gouvernement a montré qu’il avait une volonté très forte de le développer. Je ne sais pas si cette demande a favorisé l’arrivée des investisseurs à Nice... Ce que je sais, c’est qu’ils ont saisi l’opportunité d’investir dans notre club après avoir étudié, pendant deux ans, différentes opportunités.
Décideurs. Dans le monde du capital-investissement, il est très fréquent de voir les nouveaux actionnaires sécuriser le management en place. C’est en l’occurrence ce que les investisseurs chinois et américains ont fait avec vous. Ont-ils eu des exigences particulières concernant l’entraîneur ?
J.-P. R. Non, les nouveaux actionnaires n’ont pas eu d’exigences particulières à ce niveau. Ils n’ont pas vocation à s’immiscer dans la gestion du club. Nous sommes partis sur les bases d’un nouveau cycle de trois ans. Dans ce cadre, une enveloppe budgétaire a été fixée et nous nous y tiendrons. S’agissant du marché des transferts, des moyens supplémentaires seront alloués grâce à leur arrivée mais ceux-ci resteront tout à fait raisonnables.
Décideurs. Il est très difficile de gagner de l’argent en investissant dans un club de football. Chose que vous avez pourtant réussi à réaliser.
J.-P. R. J’avais investi à titre personnel douze millions d’euros dans le club. À mon arrivée, j’avais précisé à la DNCG, l'organisme de contrôle financier, qu’il était pour moi hors de question de remettre de l’argent en cas de difficulté. Dans le monde du sport, il convient d’être très sage et de mettre en place une gestion rigoureuse. Il faut savoir rester froid et ne pas paniquer dans les moments difficiles et a contrario ne pas se laisser griser par l’euphorie quand tout va pour le mieux. Durant quatre ans, nous avons fourni un important travail pour assainir les finances du club et le gérer comme une entreprise. Auparavant, l’OGC Nice perdait treize millions d’euros par an et parvenait à équilibrer son budget seulement grâce au marché des transferts. Bien évidemment, il y a toujours un aléa sportif avec des variables financières très importantes. Dans le deal conclu avec les nouveaux actionnaires, je récupère mon investissement initial et conserve 20 % des parts du club. Le prix minimum de rachat de ces parts ayant d’ores et déjà été fixé. Celui-ci me garantit une valorisation fixée à dix millions d’euros. Un montant qui pourra être augmenté si le club est mieux valorisé.
Propos recueillis par Antoine Valle et Aurélien Florin (@FlorinAurelien)