En modifiant la création de valeur, le numérique oblige les entreprises à se réinventer en permanence. Si cela se limite parfois à quelques ajustements, elles doivent bien souvent revoir leurs modèles économiques. Le défi est risqué mais les opportunités de croissance sont aussi en ligne de mire.

La principale innovation d’Uber n’a pas résidé dans le lancement d’un nouveau service supérieur à celui de ses concurrents mais dans sa capacité à révolutionner le business model des sociétés de taxis. Sa structure de coûts est ainsi radicalement différente des autres acteurs du marché : pas de frais de licences, pas de flotte automobile à gérer et pas de centres d’appels pour les réservations. En revanche, elle doit investir continuellement dans le développement de ses logiciels pour faire évoluer son application et créer une relation de qualité avec ses clients. Si cet exemple est le plus connu, de nombreux secteurs ont vu leur business model remis en cause par la révolution digitale. Nombreuses aussi sont les entreprises à ne pas y avoir survécu comme Virgin Megastore ou Comareg, agence de publication d’annonces immobilières. Pour les entreprises, il est donc essentiel de mener une réflexion profonde sur un modèle prenant en compte les nouveaux modes de création de valeur.

 

Création de valeur et rentabilité

 

Face à la difficulté d’une modification systémique, les entreprises optent le plus souvent pour une solution transitoire. Pour les grands groupes, elle consiste le plus souvent à faire coexister au sein de la même entreprise différents modèles économiques. Cela permet de tester et de faire émerger une solution viable. Si le test est concluant, le schéma économique traditionnel est alors progressivement transformé. Une stratégie qui peut être mise en place de manière organique ou par croissance externe. En créant un pôle e-commerce dédié intitulé Cnova, Casino présente cette configuration. Tout comme le groupe  de presse allemand Axel Springer qui a réalisé de nombreuses acquisitions dans le digital (notamment en France avec SeLoger.com, Aufeminin.com ou encore Qwant).

 

Pour trouver le nouveau business model à mettre en place, il faut repenser la création de valeur offerte aux clients en utilisant les nouvelles logiques propres au digital : technologies numériques, modes de travail collaboratifs... Dans de nombreux cas, la mission de base de l’entreprise reste inchangée et doit être réaffirmée. C’est alors seulement le support qui doit être transformé. C’est par exemple le cas d’Encyclopaedia Britannica, qui face à la concurrence de Wikipedia, a misé sur une proposition de valeur basée sur la fiabilité et la qualité auprès des institutions d’enseignement prêtes à payer. Au-delà de ce focus, la marque a également pris le virage du numérique en développant ses revenus en ligne grâce à l’abonnement ou à la publicité. Oubliée les forces de vente faisant du porte-à-porte, la relation client a été modernisée. Et si le chiffre d’affaires a fortement baissé, les marges sont, elles, supérieures. Trouver ce nouvel équilibre financier n’est pas toujours si évident. Dans le secteur de la presse (lire focus), l’équation est difficile à résoudre tant la digitalisation a remis en cause la valeur même de l’information.

 

Vincent Paes

 

LES PIEGES A EVITER

 

1. Penser que le changement est une obligation. Le domaine de l’aérien a vécu une profonde digitalisation sans pour autant, subir une transformation de son business model.

2. Mener une stratégie défensive. Vous ne pourrez résister si vous n’appliquez pas les nouvelles règles du jeu.

3. Agir dans l’urgence sans prendre en compte le long terme.

4. Modifier de manière incrémentale son business model. Cette stratégie risque d’entraîner une désarticulation entre la proposition de valeur aux clients et la structure de coûts.

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