Le groupe TF1 continue de surclasser la concurrence avec 27,7 % de part d’audience en 2015. Le géant audiovisuel a néanmoins conscience des défis qui l’attendent. Pour y faire face, le groupe a mis en place une stratégie digitale ambitieuse.

Décideurs. Comment faire pour réussir sa transformation digitale lorsqu'on est leader sur les marchés traditionnels ?

Olivier Abecassis. Il faut déjà la démarrer et accepter de transformer ses intuitions en tests et en mise en œuvre. Car si un schéma directeur de la transformation numérique existe, il est toujours confronté à la réalité du marché, des usages, qui n’est pas toujours – et heureusement - prévisible. Par ailleurs, il faut se poser la question des évolutions d’usage et de business pour comprendre comment des produits performants actuellement peuvent être impactés par une évolution ou comment des nouvelles opportunités peuvent être saisies. Il s’agit donc de considérer la transformation numérique non pas comme un passage obligatoire, un sujet parallèle à la vie de l’entreprise ou un effet de mode, mais bien un élément de réinvention de son propre business.

En tant que leader, il s’agit donc d’apprécier l’opportunité qui est susceptible de conserver ou même d’améliorer cette position de leader. Et comme toute transformation numérique est un voyage plutôt qu’une destination, il faut la mener en restant attentifs à la performance réelle pour trier entre bonnes et mauvaises idées.

 

Décideurs. Comment la digitalisation impact votre business model ?

O. A. Les impacts sont multiples : cela a commencé avec le développement du replay par lequel les consommateurs ont compris que la programmation d’une chaîne de télévision se consommait en live et dans les sept jours, en intégrale et par extraits, sur un téléviseur ou un smartphone, tôt le matin ou à 20h50... Cela concerne aussi de nouvelles écritures (formats courts), des talents issus du Web que nous retrouvons dans nos émissions. Mais cela concerne aussi les annonceurs publicitaires qui veulent toujours plus de réactivité, de créativité et de mesures de l’efficacité de nos dispositifs. Par construction, une chaîne de télévision a deux types de clients : les téléspectateurs qui la regardent, et qui sont désormais exposés à une offre large de contenus sur un grand nombre d’écrans – à nous de répondre à cette ubiquité et les annonceurs (publicité) et les opérateurs qui ont leur propre challenge et qui attendent de nous de participer à l’amélioration de leurs dispositifs et de leurs produits. Toutes ces attentes correspondent à une évolution technologique et des usages, que le numérique rend possible.

 

« Le numérique modifie les usages »

 

Décideurs. Quels sont actuellement vos grands chantiers ?

O. A. Nos challenges sont aussi multiples : il s’agit de continuer à renforcer notre offre de contenus avant/pendant/après la diffusion TV et d’adresser tous les écrans disponibles et utilisés par le consommateur. Il s’agit d’identifier les nouveaux talents susceptibles de renforcer nos contenus. Et il s’agit de construire des dispositifs innovants et efficaces pour nos annonceurs et opérateurs.

Il y a donc un chantier de développement de produits et de contenus, visible, et à côté, un chantier de refonte de nos systèmes d’information pour permettre de sortir plus rapidement de nouvelles offres et de nouveaux produits.

 

Décideurs. Comment exploiter le big data pour séduire à la fois le client et les annonceurs ?

O. A. Vaste question car le big data peut répondre à plusieurs besoins : vis-à-vis de nos clients, il s’agit de leur améliorer l’expérience en proposant notre offre de contenus, de manière simple et fluide, et adaptée à leurs envies, personnalisés. Pour nos annonceurs, il s’agit de leur montrer l’efficacité des campagnes publicitaires et de les aider à mieux engager leurs prospects et leurs clients. Nos téléspectateurs et nos internautes passent du temps devant nos contenus, c’est un actif considérable à proposer à nos annonceurs qui demain, avec le big data, leur permet de personnaliser le message publicitaire qu’ils veulent diffuser.

 

« Personnaliser le message publicitaire »

 

Décideurs. En août 2015, vous annonciez le lancement d’un programme d’incubation de start-up avec Paris&Co. Où en est ce projet et quel est son objectif ?

O. A. En effet, nous avons voulu identifier des start-up développant des produits pertinents pour l’un des métiers du groupe TF1. En décembre dernier, nous avons sélectionné 8 start-ups, qui ont présenté un intérêt industriel pour TF1 et depuis, nous travaillons avec elle, pour développer ensemble leurs produits et des business cases pertinents au travers de l’année d’incubation. Le premier retour est positif car la sélection initiale devait être de cinq start-ups et nous avons été convaincus par 8. Des pistes de coopération concrètes sont creusées. L’idée initiale était d’apporter notre capacité d’industrialisation et de développement à des start-up qui nous apportent leur capacité d’innovation et de vitesse. C’est cette idée même d’échange qui a fondé la création de ce programme d’incubation. Après six mois de travail, nous sommes ravis de voir que cet échange est équilibré et très prometteur.

 

Propos recueillis par Vincent Paes

 

Crédit photo : Christophe Charzat / TF1

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