Guy forget a écrit quelques-unes des plus belles pages du tennis français. Sous les couleurs de l'équipe de France, il a remporté trois Coupes Davis, deux en tant que joueur et une comme capitaine. Il met aujourd'hui sa passion et son expérience au service de Roland-Garros dont il est le nouveau directeur du tournoi.

Décideurs. Les entraîneurs, les chefs d’entreprise et plus particulièrement encore les joueurs de tennis doivent faire face à des moments de doute. Comment surmonter ces incertitudes et les concilier avec la confiance en soi nécessaire à la réalisation de grandes performances ?
Guy Forget.
Il est de coutume de dire que la différence entre le succès et l'échec, c'est le fait d'avoir essayé une fois de plus. Je ne peux qu'adhérer à ces propos. Un chef d'entreprise ou un sportif doit être en capacité d'apprendre de ses échecs successifs et se relever. L'une des clés pour y parvenir est de se fixer des objectifs précis et de s'entourer des personnes vous permettant de les atteindre. Prenons l'exemple d'un joueur de tennis. Sa carrière est courte. Il est capital pour lui de ne pas se disperser et d'optimiser son temps de travail. Le tennis est, par ailleurs, un sport mentalement très difficile. Les joueurs parcourent le monde pour disputer des tournois. L'absence des proches, les déplacements et les changements d’hôtels sont leur quotidien. Difficile dans ces conditions de se stabiliser. Cet environnement se révèle particulièrement pesant pour ceux qui, en début de carrière, font face à de nombreuses défaites. Le risque est alors d'entretenir un sentiment de dévalorisation. D’où l’intérêt pour le joueur de disposer d'un staff solide. Le soutien moral et l'analyse technique apportés par son entraîneur faciliteront son travail d'ajustement et sa progression.

 

Décideurs. Le tennis est par excellence un sport individuel. Comment parvenir à créer un collectif lors des matchs de Coupe Davis ?
G. F.
C'est un sujet très vaste. Il est aisé de faire cohabiter des partenaires qui entretiennent des liens d'amitié. Ces derniers acceptent alors plus facilement le défaut des autres et font preuve d'un plus grand altruisme. Il faut cependant reconnaître que ce cas de figure est rare. La bonne vie du groupe repose en partie sur le travail de communication réalisé en amont par le capitaine. Ce dernier doit veiller à ce que les joueurs fassent passer l’intérêt collectif avant leur propre intérêt. C'est également au capitaine qu'incombe le devoir d'instaurer un cadre assurant à chacun qu'aucun passe-droit ne sera donné. Lorsque la victoire est au rendez-vous cette mission est plus facile à exécuter. A contrario, lorsque les adversaires prennent le dessus, la pression est plus grande et les joueurs deviennent plus nerveux et donc irascibles. C'est à ce moment-là qu'il faut veiller à ce que les règles prédéfinies soient parfaitement respectées par les joueurs.

 

Décideurs. Comment imposer sa voix d'entraîneur ou de chef d'entreprise tout en écoutant les autres ?
G. F.
La question de la légitimité du leader est importante. Un entraîneur ou un chef d'entreprise qui a un vécu reconnu par ses joueurs ou collaborateurs pourra plus facilement montrer la voie, orienter et conseiller les membres du groupe. Le leader a également un devoir d'exemplarité envers le groupe. Il n'y a pas qu'une seule façon d'échanger et de communiquer avec ses joueurs ou collaborateurs. Un leader doit cerner les personnalités de chacun et créer une vibration commune. L'approche sera par exemple très différente lorsque vous échangez avec Gilles Simon ou Gaël Monfils. Mais si la manière de communiquer varie selon les joueurs, les mêmes règles de travail en équipes doivent s'imposer à tous. 

 

Décideurs. Vous venez de prendre les rênes du tournoi de Roland-Garros. Quelles qualités seront nécessaires pour réussir votre mission à la tête du tournoi ? À l'instar de Christian Prudhomme à la tête du Tour de France, votre passion pour votre sport semble être l'un de vos plus grands atouts …
G. F.
Je suis très flatté que vous me compariez avec Christian Prudhomme dont les qualités ne sont plus à démontrer. Nous sommes passionnées par nos sports respectifs. Le Tour de France ou Roland-Garros sont des événements sportifs majeurs et extrêmement populaires. Durant la quinzaine, le tournoi sur terre battue accueille plus de 450 000 personnes. Chacun des services doit répondre aux attentes qu'elles génèrent. C'est un devoir mais aussi un challenge vis-à-vis des joueurs, de la fédération française de tennis, des spectateurs et des téléspectateurs. La diplomatie est l'une des qualités essentielles pour mener à bien cette mission. Il faut en effet jongler avec plusieurs dimensions, de la relation avec l'ATP et les médias, en passant par les partenaires. La mission du directeur du tournoi est de savoir s'adresser à toutes ces populations et de ne négliger aucune de ces composantes.

 

Décideurs. Quelles sont vos ambitions pour Roland-Garros ? Quel est votre regard sur la concurrence de tournoi comme celui de Madrid ?
G. F.
Le monde est fait de concurrence. Un champion tel Novak Djokovic s'est construit dans l'ombre de joueurs comme Rafael Nadal et Roger Federer. Cette concurrence l'a poussé à révolutionner son jeu et à devenir le joueur qu'il est aujourd'hui. Ce désir d'excellence est identique au notre. Madrid ou les trois autres levées du Grand Chelem nous poussent à progresser et à évoluer. Pour les années à venir, je souhaite tout simplement que Roland-Garros demeure l'un des plus beaux tournois au monde. La quinzaine parisienne est un événement familial, respectueux et chaleureux et il doit le rester. Le tournoi doit également inspirer les plus jeunes à devenir un jour eux aussi de grands champions, en espérant qu'un Français puisse de nouveau soulever la coupe des mousquetaires.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

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