Philippe Collombel (Partech Ventures) : « Un Nasdaq est la dernière chose qui manque à nos entreprises technologiques »
Décideurs. En dehors du late-stage venture, intervenez-vous à tous les stades de développement des jeunes entreprises ?
Bruno Crémel. Nous couvrons désormais toutes les étapes d’investissement dans la tech en Europe et aux États-Unis. En amorçage (ticket de 300 K€ à 3 M€), les entreprises n’ont pas de chiffre d’affaires, mais elles ont un projet, un début de produit et une équipe. En early-stage (ticket de 3 M€ à 10-15 M€), elles ont généralement quelques millions d’euros de revenus, le produit est donc validé par une partie du marché, même si l’emprise sur ce dernier reste faible. En growth (ticket de 10 M€ à 40 M€), le chiffre d’affaires, d’une ou plusieurs dizaines de millions d’euros, laisse entrevoir une internationalisation accélérée de la firme, avant la sortie de ses partenaires financiers.
Décideurs. Toujours pas de late-stage venture ?
Philippe Collombel. Ce n’est pas ce qu’on aime faire. À ce stade, les start-up sont très « capital-intensive » mais n’ont pas pour autant établi leur leadership. Leur chiffre d’affaires est encore faible mais leur valorisation plutôt élevée. C’est l’étape du venture où vous payez très cher un risque fort et nous ne sommes pas à l’aise avec ce type d’investissement. C’est un choix stratégique assumé de notre part.
Décideurs. Peut-on déjà dire que 2015 est la plus belle année en matière de deals ?
P. C. Sur le marché français, depuis fin 2014, nous avons assisté à de très beaux tours de table et parallèlement à des fundraisings significatifs. Certaines collectes ont dynamité le marché, à l’image de Sigfox au premier semestre et Blablacar au second. Les sorties ont été plutôt bonnes. Quoi que l’on dise de Showroomprive, son IPO a été réussie, notamment à l’aune du contexte difficile des marchés. La French Tech a profité de cette période pour affirmer son ambition.
Décideurs. Et quels moteurs ont favorisé l’avènement de la French Tech ?
B. C. En premier lieu, le désir d’entrepreneuriat. Quelques années en arrière, les écoles d’ingénieurs, et en partie les écoles de commerce, n’étaient pas autant sensibilisées à la création d’entreprise. Aujourd’hui, certaines start-up sont les premiers employeurs de promotion à Polytechnique, par exemple. Grands groupes et grandes écoles ne forment plus un duo inséparable. Les jeunes générations veulent maîtriser leur destinée et, sur le plan professionnel, cela passe par l’entrepreneuriat. Ensuite, il faut vraiment féliciter la sphère publique, qui à travers BPIFrance notamment, donne aux sociétés innovantes les moyens de leurs ambitions. Et bien sûr, les acteurs privés, investisseurs et corporates, ont aussi soutenu la croissance des beaux projets.
Décideurs. Que manque-t-il alors au marché français de la start-up ?
P. C. Nous n’avons pas de marché de l’IPO pour les valeurs technologiques, à quelques exceptions près. Showroomprive a pu satisfaire la Bourse parisienne car son business est bien plus retail que tech. Un Nasdaq est la dernière chose qui manque à l’écosystème de nos entreprises technologiques. Par conséquent, nombreux sont les investisseurs à pousser, auprès d’Euronext notamment, à l’instauration d’une telle place financière. Naturellement, la question de la localisation de cette place est vivement débattue.
FS