Bjarke Mikkelsen (Daraz) : « Rentabiliser notre business model »
Décideurs. Vous êtes l’une des rares pépites parties à la conquête de l’Asie du Sud-Est. Est-ce un parcours du combattant??
Bjarke Mikkelsen. Daraz a été fondée en 2012 au Pakistan. Au départ, il s’agissait d’une plate-forme consacrée à la vente de produits de mode. Mais en 2014, l’entreprise a opéré un pivot pour devenir un vrai site d’e-commerce de biens de consommation généralistes. C’est cette année-là que nous avons lancé l’entreprise au Bangladesh et en Birmanie. Tout reste encore à faire dans ces régions du monde. Et développer de telles infrastructures au sein de ces pays émergents est extrêmement enthousiasmant.
Décideurs. Vous avez rejoint Daraz en avril dernier après une carrière de sept ans chez Maersk puis Goldman Sachs. Avez-vous eu un «?entrepreneur calling?»??
B. M. Cela m’a toujours trotté dans la tête. Et puis, Daraz, c’était l’aventure rêvée?: l’agilité de la start-up couplée à la force de frappe d’un incubateur comme Rocket Internet, reconnu pour avoir permis à de nombreuses entreprises de se développer sur les marchés émergents?: tous les ingrédients étaient réunis. J’ajoute que mon job chez Daraz, ce n’est pas seulement toucher à l’entrepreneuriat, c’est aussi faire bouger les lignes dans les pays du Sud-Est asiatique où nous proposons aujourd’hui aux consommateurs une nouvelle expérience utilisateur.
Décideurs. En septembre dernier, vous avez bouclé votre série A pour un montant de cinquante millions d’euros. Comment ces fonds vont-ils soutenir votre croissance??
B. M. Nous n’excluons pas de conquérir de nouveaux territoires, en tête desquels le Sri Lanka, le Népal, le Cambodge et le Laos. Néanmoins, cet argent est en priorité destiné aux marchés sur lesquels Daraz est déjà installé?: le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie. Nous employons déjà 500 collaborateurs mais nos équipes ont besoin d’être renforcées notamment pour assurer le bon fonctionnement de notre réseau de distribution.
Décideurs. Pourquoi développez-vous votre propre réseau de distribution??
B. M. C’est un pari stratégique pour Daraz?: nous voulons maîtriser l’expérience client d’amont en aval. C’est aussi un moyen d’améliorer notre connaissance des marchés tout en créant des emplois.
Décideurs. Êtes-vous en compétition avec Amazon ou Alibaba??
B. M. Ils ne sont pas encore présents sur nos marchés qui sont toujours balbutiants. Ils se positionneront prochainement, mais cela ne nous effraie pas. Le développement du e-commerce bat son plein en Asie du Sud-Est?: il y a de la place pour tout le monde.
Décideurs. Est-ce difficile pour Daraz de s’installer durablement dans le paysage économique??
B. M. Il nous faut renforcer la force de frappe de nos plates-formes en construisant un business model sain. Cela implique de comprendre les habitudes de nos clients mais aussi de les éduquer à la pratique du e-commerce. Les consommateurs tout comme les marchés sont très spécifiques. Il faut parfois déployer des trésors d’inventivité. Par exemple en Birmanie, les deux-roues sont interdits?: transporter un colis sur les derniers kilomètres s’est révélé être un vrai casse-tête?!
Décideurs. Envisagez-vous de lever prochainement des fonds supplémentaires??
B. M. Notre ambition vise plutôt à suffisamment rentabiliser notre business model afin de ne pas avoir à lever de fonds supplémentaires. Et si nous restons à l’écoute des opportunités – tant pour accueillir des investisseurs que pour réaliser des acquisitions –, nous sommes surtout concentrés sur notre croissance et la création de valeur qui en découle dans les pays où Daraz opère.
Propos recueillis par Emilie Vidaud
En chiffres
3 pays ouverts en Asie du Sud-Est
50 M€ levés en septembre 2015
500 collaborateurs
Cet entretien fait partie du dossier "Stratégie de croissance".