Le “pay on-demand” fait son entrée sur le marché français
Le contexte inflationniste fragilise la situation financière des salariés, entraînant une baisse du pouvoir d’achat. L'ensemble des travailleurs est concerné. Pour les entreprises, il s’agit de fournir de nouvelles solutions qui attirent de potentiels collaborateurs, tout en fidélisant ceux présents. À l’étranger, et particulièrement dans les pays anglo-saxons, une solution qui permet de répondre à ce besoin actuel est déjà en place depuis une dizaine d’années : le pay on-demand. En France, cette pratique démarre doucement et quelques entreprises, dont Spayr et CloudPay, s’implantent sur le marché. L’acompte correspond au versement anticipé d’une partie du salaire du temps de travail déjà effectué dans le mois, sollicité par le salarié en cas de difficulté budgétaire ou pour faire face à une dépense imprévue. Une pratique à ne pas confondre avec l'avance sur salaire.
Un coup de pouce financier
Les avantages en termes de fidélisation comme de marque employeur semblent évidents. Selon le sondage “The Top 6 Things Employees Want in Their Next Job” réalisé en 2019 par Gallup, 64 % des salariés déclarent qu’une augmentation de salaire ou des avantages sociaux représentent des critères de choix dans la recherche d’emploi. Dans cette perspective, l’acompte sur salaire peut devenir un avantage concurrentiel et le soutien au “bien-être financier” des collaborateurs sonne comme une réponse efficace au contexte actuel. Pour Dierk Russell, senior business development manager chez CloudPay, l’avantage d’une telle mesure réside dans sa grande flexibilité puisqu’elle permet aux collaborateurs de gérer leur trésorerie personnelle en toute autonomie et ce, 24h/24 - 7j/7. “Au lieu de recevoir un salaire à intervalles fixes – normalement à la fin de la semaine ou du mois – les employés peuvent retirer le salaire pour lequel ils ont déjà travaillé au fur et à mesure que celui-ci s’accumule”, explique-t-il. Cette pratique reste tout de même encadrée par les applications qui contrôlent les dépenses des utilisateurs. Chez Spayr, Louis Ajacques, le cofondateur de la start-up met l’accent sur un accompagnement personnalisé des collaborateurs, mais aussi sur le plafonnement des virements au quart du salaire : “Comme pour un virement bancaire, l’utilisateur choisit le montant à transférer et celui-ci apparaîtra quelque temps après sur son compte bancaire. Cependant, cette démarche est encadrée puisqu’il ne peut retirer qu’entre 25 % et 30 % de son salaire. La moyenne se situe autour de 160 euros par mois.”
Pour les services RH, les solutions qui ont fait leur entrée sur le marché français promettent une prise en charge du processus de paie et un pilotage administratif efficace.
Culture
Camille Ventejou et Romain Guichard, avocats associés chez Flichy Grangé Avocats expliquent qu’il “n’existe pas d’obstacle juridique dans la mise en place d’une telle pratique”. En revanche, l’employeur peut tout à fait refuser de verser plusieurs acomptes pour un même mois, dès lors que seul l’acompte pour une quinzaine est de droit si le salarié en fait la demande. L’obstacle semble plutôt opérationnel pour les directions des ressources humaines et les gestionnaires de paie. Les avocats redoutent ainsi une “usine à gaz”, surtout si la pratique n’est pas encadrée. Ils relèvent aussi un point d’attention particulier, celui du traitement RGPD des informations renseignées par les collaborateurs dans la plateforme, et la transmission éventuelles d’informations par l’employeur à la plateforme. Il semble donc bien que ce soit dans les modalités et dans l’adaptation à la culture managériale et RH française que se jouera le succès de l’implantation du pay on-demand dans l’Hexagone. À suivre !
Alexis Ellin