Une robe noire avec rabat et épitoge à un rang et une toque : tel est traditionnellement le costume de la profession d’avocat. Pourtant, la loi ne livre aucune description précise de la tenue à revêtir dans le prétoire. D’où le port par certains avocats de signes distinctifs. Et la nécessité d’un règlement édicté par le Conseil national des barreaux (CNB) au sujet de ces signes distinctifs.

La robe et rien que la robe ? Lors de sa conférence de presse du 20 septembre 2022, le CNB a exposé sa stratégie de rentrée. Entre son bilan sur les États généraux de la justice et un retour sur la loi confiance, le président du CNB Jérôme Gavaudan a évoqué le projet de l’institution qu’il dirige d’uniformiser le costume d’audience des avocats.

Une pratique locale

De façon récurrente, les avocats arborent dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles des signes distinctifs manifestant ostensiblement une appartenance politique, religieuse, philosophique ou communautaire. Déjà en 2016, la conférence des bâtonniers, saisie par le bâtonnier de Seine-Saint-Denis Stéphane Campana à propos d’une élève avocate qui voulait prêter serment avec un foulard, rappelait à l’occasion de son assemblée générale les principes selon lesquels l’avocat se doit ʺd’effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droitʺ, et ce, pour maintenir ʺl’égalité entre les avocatsʺ. L’association avait alors appelé les autorités ʺà réglementer l’usage et la forme du costume d’audience, notamment en prescrivant l’interdiction d’ajouts personnels à la robeʺ. Se pose donc la question suivante : les principes d’indépendance et de neutralité qui s’imposent à ces praticiens du droit justifient-ils l’interdiction de tout ajout à la robe ? Question légitime en l’absence d’une position claire du CNB sur le sujet et lorsqu’on constate en pratique que tous les ajouts au costume de la profession ne sont pas traités de façon similaire. La question du port de signes distinctifs liés à une appartenance religieuse reste notamment polémique quand, a contrario, la cour d’appel de Rennes[1] énonçait en 2015 que le port d’un insigne commun à tous les avocats d’un même barreau ne constituait pas un manquement aux devoirs des avocats. Et que, par ailleurs, certains agréments, tels que la Légion d’honneur ou l’ordre du mérite, sont autorisés.

Plus précisément, en 2019, la modification par le conseil de l’ordre de Lille de son règlement intérieur (on rappellera d’ailleurs que les barreaux de Paris et Marseille ont fait de même) par l’ajout d’un article disposant que « l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique » avait été contestée par une élève avocate de confession musulmane devant la cour d’appel de Douai[2].

Les juges de l’appel, après avoir validé la compétence de l’ordre lillois de modifier son règlement intérieur, ont également confirmé l’exigence de neutralité des avocats. Un jugement approuvé par la première chambre civile de la Cour de cassation le 2 mars dernier qui en a profité pour rappeler qu’à défaut de disposition réglementaire édictée par le Conseil national des barreaux, ʺil entre dans les attributions d’un conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa professionʺ. Ce qui a fait réagir l’institution nationale des avocats qui a entendu le message.

ʺIl faut régler la situation sereinementʺ

Le CNB a adressé une lettre de mission à l’ancien président de la section de l’intérieur du Conseil d’État Christian Vigouroux. Grâce à cette externalisation de la problématique en cause, Jérôme Gavaudan souhaite que la prise de position de son institution quant au port de l’ensemble des signes distinctifs bénéficie d’un raisonnement ʺcollectif, juridique et sociologiqueʺ et soit ʺconforme aux valeurs de la Républiqueʺ. Il souhaite ainsi ʺrégler la situation sereinementʺ. Un projet devrait être présenté au début de l’année 2023.

Estève Duault

[1] CA Rennes, 22 mai 2015, n° 15/00669

[2] CA Douai, 9 juill. 2020, n° 19/05808

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