Depuis début 2024, tout arrêt de travail lié à un arrêt naturel de grossesse (autrement dit une fausse couche) ou à une IMG (interruption médicale de grossesse) ne sera plus assorti d’un délai de carence pour les femmes concernées. Mais les coparents et les femmes ayant recours à une IVG ne sont pas logés à la même enseigne. Retour sur ces nouvelles dispositions légales.

En France, les femmes qui traversent un deuil périnatal et accouchent à partir de 22 semaines d’aménorrhée bénéficient d’un congé de maternité sans délai de carence, au même titre que le coparent qui dispose d’un congé de paternité. Ce n’était néanmoins pas le cas lors d’une interruption de la grossesse avant la 22e semaine d’aménorrhée, jusqu’à ce que la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la Sécurité sociale pour 2024 change enfin la donne.

Désormais, et ce depuis le 1er janvier 2024, les femmes qui vivent un arrêt naturel de grossesse avant la 22e semaine d’aménorrhée peuvent obtenir un arrêt de travail entièrement rémunéré. Celui-ci est indemnisé par la Sécurité sociale, sans les trois jours de délai de carence qui représentaient une perte sèche de salaire, à moins que l’entreprise ait prévu, au travers de conventions ou d’accords collectifs, une compensation spécifique. Une protection assurée par la loi d’autant plus salutaire que la grossesse et la maternité constituent le troisième motif de discrimination cité par les femmes, selon le dixième baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, publié par le Défenseur des droits.

Depuis le 1er juillet, l’interruption médicale de grossesse (IMG), qui nécessite un arrêt maladie, est elle aussi entièrement prise en charge par la Sécurité sociale, sans qu’aucun délai de carence ne soit appliqué. Sophie de Chivré, journaliste et fondatrice d’Au Revoir, podcast consacré au deuil périnatal, se réjouit de cette avancée, qui met fin “à une énorme injustice, reconnaît ce que les femmes traversent et parle enfin de l’IMG”.

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Une question reste néanmoins en suspens, celle de la confidentialité de la prescription par un professionnel de santé des arrêts de travail sans délai de carence. Sophie de Chivré le rappelle : “l'employeur n'a jamais connaissance de la raison de l'arrêt mais, avec la suppression de la carence, le risque est qu'il apprenne indirectement la grossesse. Un droit au secret médical qui devrait pourtant être sacralisé, alors qu’une femme sur dix cache sa grossesse le plus longtemps possible par crainte de la réaction de son employeur (sondage ODOXA pour PremUp, Femme enceinte et environnement, avril 2015).

Les coparents invisibilisés

Si la fausse couche ou l’IMG représentent une véritable épreuve physique pour celle qui portait l’embryon puis le fœtus, ce sont aussi des événements très éprouvant psychologiquement pour le coparent lorsque la grossesse était un projet de couple. Or, aucune mention n’est faite du conjoint dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, et aucune disposition n’est prévue pour lui permettre de s’absenter du travail sans entraîner de diminution de salaire. Sophie de Chivré regrette ce manquement, expliquant que “ne faire aucune mention des coparents revient à invisibiliser des personnes qui attendaient aussi un bébé. C'est renvoyer le deuil périnatal dans une sphère essentiellement féminine.

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L'IVG passée sous silence  

Autre constat préoccupant : la loi ne mentionne à aucun moment l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Dès lors, qu’advient-il de ces femmes qui interrompent des grossesses, qu’elles aient été désirées ou non ? La question se pose d’autant plus que la frontière entre l’IVG et l’IMG peut, dans certains cas, être mince.

L’IMG étant soumise à l’approbation d’un collège de médecins, et réalisée dans des délais souvent assez longs, certaines femmes choisissent d’avoir recours à l’IVG dès lors qu’un diagnostic inquiétant a été posé pour le fœtus. D’autres y ont recours pour des raisons qui leur appartiennent. Peu importe le motif de l’IVG : comme le souligne Sophie de Chivré, “lomettre revêt un aspect moralisateur, et revient à dire qu’il y aurait des bonnes et des mauvaises interruptions de grossesse ». Elle ajoute que “l’épreuve physique est pourtant la même, qu’il s’agisse d’une IVG ou d’une IMG à quatorze semaines d’aménorrhée. Les femmes qui ont recours à l’IVG et qui ressentiraient le besoin d’être arrêtées vont donc être pénalisées sur les plans financier et professionnel ”. Reste à espérer que le nouveau gouvernement en prenne la mesure et assure une protection adéquate pour toutes les femmes, peu importe leur parcours.

Caroline de Senneville

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