Alors qu’Air France traverse une zone de fortes turbulences aussi bien stratégique que sociale, Michael O’Leary, directeur général de Ryanair, enfonce le couteau dans la plaie en dispensant des conseils de gestion. Le numéro un du low cost est-il si bien placé pour faire la leçon ?

1 – Résultats financiers : Ryanair

Avec un chiffre d’affaires de 12,3 milliards d’euros au 30 juin 2015, en croissance de 2,4 % sur un an, Air France prend le pas sur Ryanair qui atteint tout juste 2,6 milliards d’euros de CA sur la même période mais avec une hausse de 10 %. En revanche, le résultat net du groupe français affiche une perte de 3,1 % sur un an à – 638 millions d’euros. Pour Ryanair, les voyants sont au vert avec un chiffre qui augmente de 11 % à 268 millions d’euros de janvier à juin 2015[i]. En Bourse, Air France affiche à ce jour un cours de 6,38 euros, en chute de 20 % depuis le 31 décembre 2014, pour une capitalisation de 1,9 milliard d’euros. Quant à la compagnie irlandaise, son action s’échange à 70 euros, soit 16 % de plus qu’à la fin de l’année 2014, pour une valorisation de près de 18 milliards d’euros.

 

2 – Force de frappe : Air France

Malgré des résultats en baisse, Air France continue à voler haut. Ses 569 avions, dont 171 long-courriers et 224 moyen-courriers, lui permettent de desservir 204 destinations sur tous les continents. Ryanair, de son côté, compte 321 avions, dont la plupart sont des Boeing 737. Mais la compagnie low cost espère passer à 520 avions en mars 2024 grâce à ses commandes passées auprès de l’avionneur Boeing. Pour le personnel, la différence est aussi frappante : le français comptait 94 666 employés à la fin de l’année 2014 alors que les salariés de Ryanair s’établissaient à 9 500 personnes. De plus, Air France a également à son actif le hub de Paris-Charles de Gaulle qui reçoit 34 millions de passagers par an, dont 54 % sont des clients du français. L’irlandais dispose de 73 bases plus sommaires dans le monde, bien que l’aéroport de London Stansted soit un de ses centres principaux. Air France est également membre de Skyteam, une alliance constituée de vingt compagnies qui affrètent quotidiennement 16 320 vols.

 

3 – Stratégie : Ryanair

Alors que Ryanair est un pure-player du low cost, Air France s’attaque à tous les fronts. En plus de ses différentes marques, à savoir Air France, KLM, Hop et Transavia, la firme tricolore a également plusieurs activités. Au second trimestre 2015, le transport de passagers représentait 79 % de ses ventes, l’activité de cargo, 9 %, la maintenance 6 %, et sa filiale low cost, 4 %. De plus, la compagnie a bien du mal à développer sa succursale à bas coûts puisque ses conventions collectives restent contraignantes. De son côté, Ryanair ne jure que par la réduction des frais. Ses dépenses moyennes sont de 29 euros par passager quand Easyjet débourse 52 euros. Air France a dévoilé un nouveau plan de baisse des dépenses de 1,8 milliard d’euros, dont 55 % correspondent aux coûts du personnel. Pour le français, diversification a tôt fait de rimer avec dispersion.

 

4 – Taux d’occupation : Air France

Le transport de personnes reste le premier métier du groupe Air France. Avec 87,4 millions de passagers transportés en 2014 sur toutes les lignes, le groupe se maintient face aux 86,4 millions de passagers de Ryanair. Malgré les fortes baisses associées aux crises japonaise et brésilienne, la compagnie française a pu obtenir des taux d’occupation de 84,7 % en 2014 et de 89,8 % pour son low cost. À titre indicatif, l’activité cargo avait un coefficient de remplissage de 63,1 % cette même année. De son côté, l’irlandais avait un taux d’occupation de 81,75 % en moyenne l’année dernière.

 

5 – Marketing : Air France

Côté image, Air France vit des instants délicats. Les photographies de l’agression de Xavier Broseta, son DRH, ont fait le tour du monde. L’événement s’est produit pendant le comité central d’entreprise annonçant le plan de restructuration et la suppression de 2 900 postes. De son côté, Ryanair fait face à un mauvais coup de projecteur suscité par la publication de Bienvenue à bord, un livre d’une ancienne hôtesse dénonçant la précarité des conditions de travail. Côté réseaux sociaux, Air France prend l’ascendant : le groupe compte 5,2 millions d’abonnés sur Facebook et 191 000 sur Twitter contre seulement 497 000 et 185 000 abonnés pour son concurrent irlandais. Dans le classement des meilleures compagnies mondiales du britannique Skytrax, Air France finit 15e, KLM 28e et Ryanair n’apparaît même pas.

 

Conclusion : Air France : 3 – Ryanair : 2

Si Michael O’Leary se permet de donner des conseils à Alexandre de Juniac, c’est pour une bonne raison : Ryanair vole toujours plus haut depuis sa création en 1985 et la compagnie française fondée en 1933 semble piquer du nez. Reste qu’elle maintient encore son rang. Pour faire face à la voracité de ses concurrents, le français va devoir se restructurer et vite : la renégociation des accords collectifs promet d’être musclée…

 

Sophia Sanni Soulé

 

[i] L’année fiscale de Ryanair commence au mois d'avril.

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