Portrait de Sébastien Payen et Thibaut Scholasch, fondateurs de Fruition Sciences et lauréats de la catégorie Sustainability & Life Science des French-American business awards (Faba).
Californie, début des années 2000. Sébastien Payen pose ses valises au pays des entrepreneurs pour entamer un master d’ingénierie mécanique à l’université de Berkeley. Le concepteur de capteurs micro-technologiques, qui se considère d’abord comme un « ingénieur généraliste », ne s’intéressera plus particulièrement aux vignobles qu’après sa rencontre avec Thibaut Scholasch. Ce dernier, ingénieur agronome issu de cinq générations de vignerons, a effectué un doctorat pour mieux comprendre le comportement de la vigne : « Aujourd’hui les spécialistes du vin ne peuvent plus ignorer la science. Ils doivent s’en servir pour aiguiser leurs compétences et leur compréhension du vignoble. »

De la rencontre du scientifique et de l’œnologue dans un café de l’université de Berkeley en 2006 naît l’idée de Fruition Sciences : coupler l’utilisation de biocapteurs avec les technologies de l’information pour évaluer précisément les besoins en eau des vignes. La question de l’irrigation du vignoble est apparue à Thibaut au fil de ses pérégrinations viticoles à travers le monde entre 1998 et 2004. « De la France à l’Australie en passant par le Chili et la Californie, où que j’aille c’était toujours le même problème : comment mesurer l’effet de l’irrigation sur la vigne », se souvient-il.
De la volonté de résoudre ce dilemme inhérent à « la physiologie des vignobles », Thibaut et Sébastien fondent Fruition Sciences en 2008.

À la conquête des vignobles
Six ans après son incubation aux États-Unis, la start-up ne compte pas moins d’une centaine de clients. Si près des deux tiers sont déjà californiens, le duo attend encore beaucoup du marché américain. Dans l’Hexagone, Fruition Sciences est présent depuis 2010 et « fait notamment affaires avec Château Latour », révèle Sébastien tout en refusant de lever le secret sur ses autres clients français. Contrairement à la Californie, où presque 100 % des vignobles sont alimentés artificiellement en eau, la France présente des freins à l’introduction des techniques élaborées par la start-up. En effet, les domaines labellisés sont privés d’irrigation. « C'est un réel obstacle, concède Sébastien, mais il existe malgré tout un marché potentiel dans le sud. » Selon Thibaut Scholasch, il existerait même des similitudes climatiques entre la Californie et la France pendant les années chaudes de 2003, 2006 ou 2010. « Notre expérience californienne nous permet d’anticiper l’impact des changements climatiques sur les vignes françaises. »

Économies d’eau
Alors que Los Angeles est le premier consommateur d’eau dans le monde, Fruition Sciences représente une aubaine pour l’agence urbaine de l’eau de la ville avec qui travaillent les deux associés. « Si l’on parvient à convaincre les viticulteurs d’optimiser leur usage de cette ressource rare, on libère de l’eau pour l’usage domestique, qui ne représente que 20 % de la consommation californienne, les 80 % restants demeurant le fait des exploitations agricoles », explique Thibaut. « Je crois que par le biais du vin on peut faire appel à l’inconscient collectif pour convaincre de l’urgence d’agir face au changement climatique. L’évolution du goût du vin reflète les tendances climatiques. Parce que la plante est sensible, elle capture les variations de température et les exprime dans le fruit, par un degré d’alcool plus fort par exemple », explique celui qui, à défaut d’être « médecin des hommes », est devenu « médecin des plantes ».
Au-delà de « l’accolade sympa » entre les fondateurs et la chambre de commerce franco-américaine de San Francisco, qui accompagne Fruition Sciences depuis ses débuts, la nomination de l’entreprise au Faba confirme « le sérieux et la robustesse » du projet. Fruition Sciences gagne en légitimité, un coup de pouce pour les chantiers auxquels s’attellent les deux associés.

Réalisé par Juliette Boulay à l'occasion des French-American Business Awards.



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