Par Anne-Bénédicte Voloir et Frédéric Aknin, avocats associés. Capstan
En quelques mois, deux lois successives créent à la charge des entreprises de plus de 1 000 salariés ou appartenant à un groupe de cette dimension, qui envisagent la fermeture d’un établissement, une obligation de rechercher un repreneur. Celle-ci s’ajoute à la procédure de licenciement collectif pour motif économique. L’articulation de cette double procédure s’annonce complexe.

L’article L1233-90-1 du code du Travail, issu de la loi du 14 juin 2013 (loi de sécurisation de l’emploi), oblige à la recherche d’un repreneur l’entreprise d’au moins mille salariés ou appartenant à un groupe de cette dimension, qui envisage un licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement. À compter du 1er avril 2014, ce dispositif sera abrogé et remplacé par la loi visant à reconquérir l’économie réelle, adoptée le 24 février 2014, toutefois largement censurée par la décision du Conseil Constitutionnel du 27 mars 2014. Cette obligation nouvelle conduit l’entreprise à être dans le même temps sur les deux fronts de l’emploi : présenter dans le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) un dispositif de reclassement interne/externe efficient et sérieux et rechercher un repreneur éventuel.

1re étape : une procédure autonome de «?reprise de site?»
Une procédure autonome et concomitante
Les deux procédures : reprise de site et licenciement pour motif économique relèvent toutes deux du Livre III chapitre III du code du travail portant sur le licenciement pour motif économique. Les délais pour la recherche de repreneur sont ceux du licenciement collectif pour motif économique avec mise en place du PSE : délais très encadrés de deux à quatre mois selon le nombre de licenciements envisagés. Lorsqu’elle envisage «?un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement?», l’entreprise concernée recherche un repreneur et en informe le comité d’entreprise dès l’ouverture de la procédure légale relative aux licenciements économiques avec PSE. Ainsi informé des offres de reprises formalisées, le comité peut émettre un avis et formuler des propositions dans les délais précités.

Une articulation cependant délicate

Si un repreneur est identifié pendant la procédure, se pose la question de la qualification juridique de la reprise de salariés par le repreneur. Il convient d’exclure tout adossement systématique de la reprise de site, au régime juridique du transfert de l’entité économique autonome, au sens de l’article L1224-1 du code du travail (ancien article L.122-12) qui a pour conséquence :
- Transfert de plein droit au repreneur des contrats de travail et du statut collectif ;
- Pas de licenciement ni démission.

Trois arguments militent en ce sens.
- L’ANI du 11 janvier 2013 instituait à la charge de l’entreprise qui envisage «?indépendamment de tout projet de cession, sa fermeture, celle d’un établissement, d’un site ou d’une filiale?», la recherche d’un repreneur.
- La cause originelle du projet est économique (fermeture de site),
et nullement un projet de cession.
- Enfin, rappelons que l’objectif de l’article L1233.90.1est de préserver l’emploi dans le bassin d’emploi concerné, sous quelque forme que ce soit.

Cette réflexion est essentielle, la jurisprudence en matière de L1224-1 étant complexe et non adaptée à une procédure de licenciement collectif pour motif économique. L’offre de reprise peut aussi être finalisée postérieurement aux licenciements économiques. La reprise de site est alors une opportunité supplémentaire pour les salariés, en sus du reclassement externe prévu par le PSE.

2e étape : une nouvelle procédure de recherche d’un repreneur
L’article L1233-90-1 ne devrait pas survivre à la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle adoptée le 24 février dernier, dont la portée sera toutefois sensiblement réduite du fait de l’inconstitutionnalité de ses mesures les plus contraignantes. La loi nouvelle renforce les obligations de l’employeur, au titre de la recherche d’un repreneur et de la clôture de la période de recherche d’un repreneur.

Au titre de la recherche d’un repreneur
Le nouveau texte dispose désormais que lorsque l’employeur «?envisage une fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement économique?», il réunit et informe le comité d’entreprise au plus tard à l’ouverture de la procédure relative au licenciement économique. La recherche d’un repreneur pourra donc débuter par une information du comité d’entreprise, avant même l’ouverture de la procédure de licenciement collectif pour motif économique. L’employeur procédera ensuite à la recherche d’un repreneur selon un mode opératoire précis : information des repreneurs potentiels, examen des offres de reprise et réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues. Le comité d’entreprise sera informé au plus tard huit jours après la réception des offres de reprise formalisées. Il pourra émettre un avis toujours dans les mêmes délais.

Obligations au titre de la clôture de la période de recherche de repreneur :
? Si l’employeur reçoit une offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite, il consultera alors le comité d’entreprise sur l’offre, dans les délais de droit commun (article L2323-3 du code du travail).
Les délais ne sont plus ceux de la procédure de licenciement pour motif économique.
? Si avant l’échéance de la procédure de licenciement pour motif économique (deux à quatre mois), aucune offre de reprise n’a été reçue ou si l’employeur n’a souhaité retenir aucune des offres transmises, il devra alors réunir le comité d’entreprise et lui présenter un rapport sur les actions engagées, les éventuelles offres reçues et les motifs qui l’ont conduit à les refuser.

Si le comité d’entreprise estime que la procédure de recherche d’un repreneur n’a pas été respectée par l’employeur, la loi lui permettait de saisir le tribunal de commerce qui disposait alors de 14 jours pour statuer. Les dispositions liées à la saisine du tribunal de commerce et aux éventuelles sanctions afférentes ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Est-ce à dire que le tribunal de grande instance retrouvera une compétence de droit commun dans
ce type de dossier ? Nous pouvons le penser.


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