Faut-il autant se réjouir de la restructuration financière de Thomson, aujourd’hui Technicolor ? Oui, loque l’on est créancier senior, futur actionnaire et que l’on a « itrumenté » celle-ci au détriment des obligataires porteu de titres super subordonnés (TSS).

Faut-il autant se réjouir de la restructuration financière de Thomson, aujourd’hui Technicolor ? Oui, lorsque l’on est créancier senior, futur actionnaire et que l’on a « instrumenté » celle-ci au détriment des obligataires porteurs de titres super subordonnés (TSS). Non, si l’on considère qu’aucune justification économique et juridique ne commandait la suppression définitive des intérêts contractuels entraînant la perte de toute valeur de ces titres cotés au Luxembourg.

Les TSS, souscrits en 2005, par Thomson à hauteur de 500 millions d’euros en nominal, sont des créances obligataires hybrides dites « super subordonnées », assimilées à des quasi-fonds propres  et figurant comme tel sur une ligne particulière au passif du bilan.
Ces fonds sont quasi « perpétuels » dès lors que le remBoursement du nominal n’est prévu, au titre du contrat d’émission, que dans certaines circonstances au titre desquelles figurent essentiellement la dissolution, ou la liquidation amiable ou judiciaire, de la société.
En contrepartie, ce titre ouvre le droit à percevoir des intérêts dans certaines situations et notamment, sinon surtout, avant toute distribution de dividende.
La seule valeur de ces titres et leur négociabilité sur le marché au Luxembourg réside donc uniquement sur les intérêts futurs.

Quel rôle ont joué les créanciers seniors dans le dossier ?

Représentant une part significative de la dette, les créanciers seniors ont, dès le mois de juillet 2009, conclu un accord avec le débiteur portant sur la restructuration de la dette incluant notamment la conversion en capital d’une partie de celle-ci.
Ce même accord prévoyait déjà le « rachat » en numéraire, pour un montant de 25 millions d’euros des TSS alors même qu’aucune discussion n’avait lieu avec ces derniers. Il n’est donc pas surprenant de constater que, dès l’ouverture de la procédure de sauvegarde, Thomson ait déposé un projet de plan de sauvegarde, « copié collé » de l’accord de juillet, prévoyant expressément, le versement d’une créance d’intérêts aux porteurs de TSS à hauteur de 25 millions d’euros, montant forfaitaire et définitif dont le règlement éteint définitivement la créance des porteurs de TSS.


Le déroulement de la procédure

Pour être certain d’atteindre la majorité requise à l’assemblée unique des obligataires (AUO), après une procédure accélérée, les porteurs de TSS ont été appelés à voter le 22 décembre 2009 sur la base d’un droit de vote diminué, c'est-à-dire portant uniquement sur la créance d’intérêt fixée unilatéralement par Thomson dès l’été 2009.

Notons que cette somme de 25 millions d’euros sera validée le 17 décembre 2009 par un expert (désigné par ordonnance du juge commissaire) dont le rapport, qui ne développe pas les éléments permettant de justifier ces travaux, aboutit, comme par hasard au montant d’ores et déjà fixé et annoncé par voie de presse le 24 Juillet 2009…

Pour justifier cette réduction du droit de vote, il a été évoqué la nature « hybride » du titre obligataire et le fait que seule la créance d’intérêt est concernée par le plan.

Face à cette situation, notre équipe a régularisé, pour certains porteurs de TSS, une contestation sur laquelle le tribunal de commerce de Nanterre a statué, en les déboutant eu égard aux enjeux en présence, dans le jugement arrêtant le plan de sauvegarde.


Quelle influence ont les TSS sur la restructuration de Thomson ?


S’agissant du nominal, celui-ci n’a pas vocation à être remboursé sauf cas de dissolution amiable ou judiciaire de l’entreprise. Cette partie n’est donc absolument pas concernée par le plan.
S’agissant des intérêts, ceux-ci n’ont vocation à être versés que dans le cas où la société est en mesure de distribuer des dividendes à ses actionnaires, ce qui ne devrait, a priori, pas avoir lieu pendant la durée du plan de sauvegarde.

C’est la raison pour laquelle il a pu être avancé tant en doctrine qu’en jurisprudence que le caractère « super subordonné » de cette créance aurait pu conduire à ne pas « impliquer » et donc consulter les titulaires de tels titres dans la procédure collective. En effet, il est évident que le versement des intérêts contractuels, tel que rappelé ci-dessus, n’impacte pas le résultat et la performance de l’entreprise et concerne uniquement les modalités de répartition de son résultat.

Une bonne pratique eut donc voulu que les créanciers obligataires porteurs de TSS ne soient pas concernés par le projet de plan de sauvegarde, celui-ci n’ayant d’ailleurs nullement vocation à modifier le contrat d’émission conclu en 2005.


Quel traitement pour les TSS ?


En incluant les créanciers obligataires porteurs de TSS dans le plan de sauvegarde pour leur attribuer volontairement un intérêt, à la fois forfaitaire mais surtout définitif, Thomson bouleverse toute l’économie et l’essence du contrat initial dont la vocation était de disposer de 500 millions d’euros de trésorerie sans échéance de remBoursement du nominal en contrepartie  d’un taux d’intérêt attractif.
En pratiquant de la sorte, Thomson a sans aucun doute ainsi fait disparaître définitivement cette catégorie de financement en France, en l’espèce pour satisfaire de facto les intérêts immédiats de ces actionnaires qui percevront des dividendes sans avoir à servir un intérêt aux porteurs de TSS.


A qui profite le crime ?
Sans aucune ambiguïté, aux seuls actionnaires présents et futurs dont font partie les créanciers seniors.

Mais pour arriver à cette solution, il a fallu porter atteinte à plusieurs principes fondamentaux de notre droit :

  • Atteinte au droit de vote : l’art. R626-62 du Code de commerce ne donne pouvoir à l’administrateur judiciaire que de décider des modalités de déroulement du vote et non de disposer du droit lui-même.
  • Atteinte au droit de propriété : désormais ces titres ont perdu toute valeur faute d’intérêts futurs.
  • Atteinte enfin au droit des contrats : en l’espèce, au contrat d’émission obligataire qui a force de loi entre les parties.


Cependant devant les enjeux économiques et sociaux, le tribunal de commerce de Nanterre, bien que garant de la protection des intérêts de tous les créanciers, a débouté les porteurs de TSS de leur contestation et a arrêté le plan de sauvegarde de Thomson.
A ce stade, le débat reste ouvert, ceux-ci ayant évidemment fait appel de la partie de la décision les concernant.
 

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