Pour le directeur financier du groupe, il existe des différences actionnariales notables au sein d’une structure familiale.
Décideurs. Existe-t-il des différences notables entre la gestion d’une direction financière d’un groupe familial et celle d’une entreprise classique ?
Xavier de Mézerac. Dans les domaines purement professionnels dont j’ai la responsabilité, il n’existe aucune différence. Nous devons fournir à nos actionnaires et au marché des états financiers en IFRS qui sont parfaitement identiques à ceux de nos grands concurrents. Mon rôle et celui de mon équipe sont de mettre en œuvre les financements les plus adaptés possibles au niveau mondial puisque nous sommes présents dans douze pays.  Autre exemple, lorsque le groupe Auchan mène une opération de M&A, il n’y a pas de différence : nous devons la mener avec les meilleurs conseils et de la façon la plus professionnelle possible. Les opérations de croissance externe font l’objet d’une revue spécifique très approfondie des risques liés. Nous avons récemment entrepris l’acquisition des magasins Real dans quatre pays d’Europe de l’Est : Russie, Pologne, Ukraine et Roumanie. Les enjeux sont considérables, société familiale ou pas : ce sont en effet près de 20 000 nouveaux collaborateurs que nous avons accueillis, 95 magasins qui ont pris l’enseigne Auchan et treize galeries commerciales qui ont rejoint Immochan.
Par ailleurs, lorsque nous négocions et rédigeons des contrats d’accords internationaux -quelle qu’en soit la nature - seule la compétence compte. Malgré tout, il existe des différences notables dans la relation à l’actionnaire au sein d’un groupe familial. L’actionnaire familial est plus incarné. Il existe une vraie proximité entre les actionnaires familiaux et la direction générale. Cette relation particulière est un atout et fait partie des caractéristiques des postes de dirigeants dans des groupes comme le nôtre. Cela lui confère une note plus chaleureuse, peut-être plus humaine. Les dirigeants de Groupe Auchan ont une relation plus directe avec les actionnaires que nous voyons souvent et qui sont dans les conseils d’administration de certaines de nos entités.

Décideurs. Quels sont vos rapports avec la famille actionnaire, quant au reporting et à l’égard de la stratégie concernant la communication financière particulière de Groupe Auchan ?
X. de M. Groupe Auchan est un groupe familial et n’est pas coté en Bourse. Pour autant, le groupe est un émetteur obligataire important : nous avons un portefeuille de cinq milliards d’euros d’obligations sur les marchés financiers. Au-delà du reporting aux actionnaires, nous établissons un reporting très régulier vers le marché : nous publions un rapport financier semestriel, donc de ce point de vue, il n’y a pas de différence avec de grandes entreprises cotées. Nous avons la même communication financière que celles-ci : nous publions un rapport annuel qui, concernant l’exhaustivité des données, n’a rien à envier à nos concurrents ; nous organisons une conférence de presse annuelle et deux réunions par an (une réunion semestrielle et une réunion annuelle) avec les analystes obligataires pour leur communiquer les résultats, leur expliquer la situation de l’entreprise, et répondre à leurs questions. Il n’existe pas de reporting spécifique envers la famille, mais une communication publique envers l’ensemble des acteurs, et notamment auprès des milliers d’actionnaires qu’ils soient familiaux ou collaborateurs Auchan.

Décideurs. Quelles sont les valeurs qui façonnent les entreprises familiales ?
X. de M. Souvent, et sans vouloir généraliser, les valeurs qui animent l’actionnaire familial sont le plus souvent des valeurs que l’on retrouve au sein de l’entreprise elle-même.
Chez Groupe Auchan, trois valeurs sont fondamentales : la confiance, le partage et le progrès. À beaucoup d’égards, ce sont des valeurs qui ont été transmises par l’actionnaire familial. La confiance est une valeur qu’il met en avant aussi pour définir les relations entre l’actionnaire familial et le management. La confiance est le résultat de la proximité que j’évoquais plus haut. La deuxième valeur est le partage : c’est une illustration réaliste des relations entre l’actionnaire et le groupe puisque l’actionnaire a ouvert le capital de Groupe Auchan aux collaborateurs qui détiennent actuellement 12 % de son capital. La participation du management et des salariés au capital de notre groupe ne répond pas à un intérêt purement financier. Il s'agit plutôt de faire adhérer tous les collaborateurs à un projet d'entreprise, et ainsi de forger sa réussite de manière pérenne. La troisième valeur du Groupe est le progrès. Là aussi, l’actionnaire nous invite à progresser, et cela signifie prendre des risques. Notre actionnaire accepte que nous en prenions et il les prend avec nous, ce qui nous permet d’être plus sereins sur nos perspectives à moyen terme. Même si nous sommes très vigilants sur nos résultats, nous ne sommes pas victimes de la tyrannie du résultat trimestriel. Ces trois valeurs reflètent la nature des principes qui ont façonné le groupe familial auquel j’appartiens. La valeur que je n’ai pas retrouvée ailleurs est celle du partage. Cette valeur fait partie de la culture d’entreprise du Groupe.

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