Contraint de se déclarer en faillite, le groupe Bata a réussi à sauver sa présence en France. François Le Ménahèze exploitera la marque.
Dans un secteur en crise, les erreurs stratégiques se paient cher. Bata en sait quelque chose. Fin 2011, le vendeur de chaussures décide de monter en gamme (cf. entretien de François Le Ménahèze). Objectif affiché : maintenir son chiffre d’affaires constant tout en soignant ses marges. Malheureusement, sur le terrain, le changement de positionnement est complexe. La hausse des prix passe d’autant moins auprès des clients que les vendeurs ne sont pas formés pour la justifier. Depuis 2011, son chiffre d’affaires a chuté de 33?%, à environ soixante-dix millions d’euros en 2014, et ses pertes atteignaient trente millions d’euros fin 2014. Incapable d’honorer ses factures, la filiale française a été placée en cessation de paiement en novembre dernier.

François Le Ménahèze à la rescousse

En coulisse, le sort de la société était déjà scellé depuis octobre. La direction du groupe fait alors appel à François Le Ménahèze. Son constat est sans appel : le dépôt de bilan est la seule voie de sortie pour le groupe. Néanmoins, il estime qu’il est possible de sauver des emplois en repartant de zéro. Il convainc le groupe de lui donner le droit d’utiliser gracieusement la marque Bata et son site internet pendant cinq ans ainsi que des conditions commerciales privilégiées. François Le Ménahèze se construit alors un nouveau périmètre de 72 magasins qui lui permet de couvrir la France tout en étant rentable. Il lui reste à trouver des partenaires pour l’aider à reprendre les points de vente restants (64).

Car il n’est pas le seul à être intéressé par les actifs de Bata : sept offres sont sur la table. Et pour convaincre le tribunal de Nanterre, François Le Ménahèze comprend qu’il faut miser sur l’emploi. Il réussit ainsi à rallier Etam et Courir. «?Les deux sociétés ont fait les efforts pour s’adapter au périmètre voulu par François Le Ménahèze?», complète Rodolphe Pacciarella, associé chez Accuracy et conseil du management lors de l’opération.

Parmi les autres dossiers de reprise, celui de Spartoo : «?En partenariat avec Eram, cette offre nous aurait permis de développer notre réseau de magasins en dur. Aujourd’hui, nous réalisons 99?% de notre chiffre d’affaires sur Internet?», explique Boris Saragaglia, P-DG de Spartoo. Une fois son offre formulée, il doit gérer la survie de la société tout en espérant remporter la mise. «?Le tour de force de François Le Ménahèze aura été de maintenir l’exploitation de Bata durant la période d’observation. Pendant trois mois, il a réduit les commandes à zéro et a vécu sur ses stocks sans nouvelle collection?», précise Rodolphe Pacciarella.

Priorité à l'emploi

Mi-février, le verdict tombe : le tribunal de Nanterre retient le projet de François Le Ménahèze. Sur les 136 points de vente, 96 sont sauvés : 72 magasins resteront sous enseigne Bata, dix-huit seront repris par Courir et six par Etam. Côté emploi, ABC Chaussures gardera 388 salariés. Courir et Etam se sont quant à eux engagés à en sauver respectivement 74 et 32 salariés. Les deux sociétés ont également indiqué qu’elles réaliseront des reclassements : 87 pour Courir et 46 pour Etam.

Mais Boris Saragaglia prévient : «?Le futur de la marque Bata est encore compliqué : le secteur est en crise et la compétition est de plus en plus forte.?» Pourtant, ABC Chaussures espère réaliser un chiffre d’affaires d’environ cent millions d’euros en 2020. Pour y arriver, ABC Chaussures dispose d’un financement de dix-sept millions d’euros. La société a obtenu un prêt obligataire de dix millions d’euros auprès du groupe Bata. Etam et Courir apportent à eux deux le reste. Bata affiche sa confiance : son prêt de cinq ans au taux de 1?% prévoit un remboursement in fine et les obligations détenues au titre du prêt pourraient être converties en actions. Ce qui permettrait alors à la maison mère de mettre de nouveau la main sur son partenaire français…

V.P.

Un marché sinistré

Bata n’est pas le seul acteur du marché à souffrir. Petit tour d’horizon des principaux concurrents.

LA HALLE AUX CHAUSSURES
Filiale de Vivarte, la Halle aux chaussures a connu le même sort que Bata : montée en gamme, restructuration et baisse des prix. Après un recul du chiffre d’affaires de 10?% en 2014, la société ambitionne une stabilisation.

ANDRÉ
Lui aussi a tenté la montée en gamme : des magasins plus élégants et des prix qui grimpent jusqu’à 150?euros. Là non plus, les résultats ne sont pas au rendez-vous : environ huit millions d’euros de déficit en 2014.

ERAM
Participant à l’offre portée par le président de Spartoo, Eram a choisi de renouveler son image sans pour autant monter en gamme. Résultat mitigé jusque-là : en 2014, le groupe a réussi à stabiliser son chiffre d’affaires à 220?millions d’euros.

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