Trois ans après son redressement judiciaire, le groupe Doux va changer de propriétaire. D&P Finance est ainsi entré en négociation exclusive avec la coopérative Terrena pour céder 52,5 % du capital. Arnaud Marion, grand acteur du redressement, revient sur sa réalisation.
Décideurs. Quel bilan tirez-vous de ce redressement ?
Arnaud Marion
. Excellent. Nous avons réussi à mettre en place le plan que nous nous étions fixés. Nous avons réduit l’endettement du groupe : en trois ans, les passifs sont passés de 460 millions d’eurosà 89 millions d’euros. Nous avons retrouvé la rentabilité : après avoir affiché des pertes annuelles comprises entre trente et soixante millions d’euros hors subventions européennes, nous avons réalisé un Ebidta de trois millions en 2014 et nous en visons un de vingt-cinq millions d’euros cette année. Enfin, nous avons assuré la pérennité du groupe en faisant entrer D&P Participations au capital en 2013 pour soutenir le plan de continuation et le groupe d’importation et de distribution alimentaire saoudien Almunajem en décembre 2014. L’arrivée de Terrena s’inscrit dans cette stratégie qui était souhaitée tant par Didier Calmels que par moi-même.

Décideurs. Comment avez-vous sélectionné le repreneur ?
A. M.
Contrairement à ce que l’on entend, il n’y a pas eu de process de vente. Nous avons été contactés par de nombreux repreneurs étrangers, notamment brésiliens et chinois, mais nous souhaitions conserver le capital en France. Après avoir parlé à Xavier Beulin, président de la FNSEA, de notre envie de réaliser un tour de table français, il nous a mis en contact avec Terrena et Sofiprotéol. Ce dernier, sous la houlette de Michel Boucly, a été l’architecte financier, tandis que la coopérative Terrena, sous la houlette de Maxime Vandoni, a été le moteur de la transaction, ce qui permet à Doux de s’allier à un industriel de poids. Nos activités complémentaires sur des marchés différents est un véritable atout. Sur les 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires de Terrena, l’activité volaille n’en représente que 870 millions d’euros. De plus, la quasi-totalité est pour la consommation domestique, alors que 80 % de l’activité de Doux est réalisée à l’export.

Décideurs. Où en est l’opération ?
A. M.
Nous sommes désormais entrés en négociation exclusive. Nous attendons les dernières due diligences afin de sceller définitivement la vente. En parallèle, la famille Doux est en discussion avec Terrena pour savoir si elle reste au capital. L’opération devrait être finalisée en octobre ou novembre.

« Doux réalisera un Ebidta de 25 millions d’euros en 2015 »

Décideurs. Vous êtes spécialisé dans la gestion de crise. Maintenant que le groupe Doux va bien, est-ce que cela veut dire que vous serez amené à partir ?
A. M.
C’était effectivement une possibilité. Mais après six mois de discussions avec Terrena, ces derniers m’ont demandé de rester, au moins le temps de la transmission. J’ai tout de suite accepté dans l’intérêt de la société. J’ai néanmoins conscience qu’il faudra tôt ou tard que je passe le flambeau. Depuis mon arrivée, je travaille à construire une équipe de management qui pourra fonctionner sans moi. Car malheureusement, de nombreuses sociétés dont j’ai fait le redressement ont replongé après mon départ. Je ne veux pas que cela arrive avec Doux. Je resterai donc à temps plein au moins jusqu’à la fin de l’année. Par la suite, je pense pouvoir continuer à jouer un rôle mais de manière moins opérationnelle.

Décideurs. Pendant longtemps, les aides européennes ont permis de maintenir le groupe Doux sous perfusion. Qu’en est-il aujourd’hui ?
A. M.
Nous ne touchons plus aucune aide. Mais cela n’a pas d’importance, nous arrivons à être rentable sans cela. Dès le départ, notre plan de restructuration a pris en compte ce facteur. Néanmoins, je maintiens une relation étroite avec la Commission européenne. Je me rends à Bruxelles en moyenne tous les quinze jours. Non pas pour leur demander de nous redonner des aides mais pour expliquer comment nous nous sommes redressés malgré l’arrêt des subventions ! En tant qu’exportateur, nous sommes très sensibles aux variations du change entre le dollar et l’euro. J’essaye donc de mener une réflexion pour définir exactement ce que peut être une crise par une guerre des changes au niveau mondial. Or le système dit des restitutions est maintenu mais est actuellement à zéro. Il faut donc déterminer aujourd’hui dans quelles conditions il peut se déclencher, et à ce stade ceci reste flou. Je m’attache donc à préciser ces termes afin que le jour où nous aurons besoin de ces aides, celles-ci puissent être activées rapidement afin de ne pas détruire ce que nous avons reconstruit.

Propos recueillis par V.P.

Crédit photo : Jocelyn Faroche.

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