Au moment où le plan de restructuration de PSA est judiciairement suspendu, un accord interprofessionnel intervient sur la scène sociale.
PSA, Renault, Goodyear… les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) se multiplient dans le paysage économique français. La procédure du PSE est aussi à l’affiche de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11?janvier 2013 qui présente sa réforme comme l’une des étapes vers un nouveau modèle social au service de la compétitivité des entreprises.

Jamais sans ma filiale
Si le PSE engagé chez Peugeot SA (PSA) prévoit quelque 11 214 suppressions de postes d’ici à 2014, le groupe estime que son impact sur sa filiale Faurecia est marginal. Les syndicats CGT réfutent cette appréciation et remettent en cause l’adoption du plan. Selon eux, les réductions d’effectifs vont affecter de façon importante l’activité de Faurecia. Si le tribunal de grande instance a approuvé le plan proposé1, il n’en est pas de même pour la cour d’appel de Paris2. Cette dernière revient sur cette décision et suspend le plan, reprochant à PSA de n’avoir pas soumis le projet de restructuration à la consultation du comité central et des comités d’établissements de Faurecia. Pour valider ou infirmer le plan, les juges doivent donc apprécier l’impact réel qu’il aura sur l’activité de Faurecia, filiale à 57?% du constructeur automobile, approvisionnant en pièces les usines PSA de Sevelnord et d’Aulnay-sous-Bois.
Les juges ont tenu compte du fait, d’une part, que les commandes passées par PSA représentent 16?% de l’activité globale de l’équipementier, et d’autre part, de l’existence d’un pôle au sein de Faurecia de quarante-deux salariés intégralement dédiés à la production d’équipements pour PSA. L’argument soulevé par le constructeur automobile relevant que la clientèle de l’équipementier et ses effectifs sont en croissance depuis 2010 n’a pas été retenu par les juges. En tout état de cause, les griefs soulevés par les syndicats et les partenaires sociaux ont été reconnus comme assez réels et caractérisés pour nécessiter la consultation des représentants de salariés.

Une décision, deux enjeux
En dépit d’un climat social encore tendu sur le site d’Aulnay-sous-Bois, la décision de suspension du plan n’affecte pas les négociations qui continuent entre la direction de PSA et les syndicats. Pour le groupe français, l’enjeu opérationnel est limité puisque la procédure de réorganisation n’a pas été remise en cause. La consultation des comités d’établissements de Faurecia sera donc simplement rajoutée au calendrier du PSE. Quant aux syndicats, l’importance de la décision est tout autre. Si demain Faurecia devait être concernée par un PSE, les syndicats rappelleront que la direction s’était engagée à ce qu’il n’y ait aucun impact sur les effectifs. Outre le gain de temps, l’aboutissement de cette procédure est stratégique pour les représentants des salariés qui veulent se prémunir contre une éventuelle contagion de la réorganisation.
Vers une refonte du PSE
Intervient dans ce contexte l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11?janvier 2013. Selon ce texte, le contenu du PSE et la procédure de licenciement collectif pourront faire l’objet de deux procédures distinctes : la conclusion d’un accord majoritaire ou l’homologation du plan par la Direccte3. L’entreprise pourra choisir de conclure un accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives qui fixera le nombre et le calendrier des réunions, les conditions du recours à l’expert, l’ordre des licenciements et le contenu du PSE. Elle pourra également opter pour l’homologation administrative. Dans ce cas, elle établira un document précisant chaque aspect du projet du plan qu’elle soumettra au comité d’entreprise avant d’être transmis à la direction régionale du travail. Pour Pierre-Alexis Dumont, avocat associé chez Actance, la réforme est « sur ce point, digne d’intérêt, mais risque de conduire dans la pratique à un cumul de ces procédures : les organisations syndicales voudront probablement négocier sans pour autant signer en définitive un tel accord, contraignant l’employeur à procéder, dans un second temps, à la demande d’homologation ».
Néanmoins, le texte comporte de nombreuses zones d’ombre, notamment quant à l’étendue du contrôle de la Direccte, de l’imbrication entre la consultation du comité d’entreprise et la signature d’un accord ou encore de la consultation et de l’homologation. Joël Grangé, associé chez Flichy Grangé, relève la complexité du contentieux administratif que pourrait instaurer cette nouvelle réforme : « Le texte ne donne aucune précision sur l’articulation des rôles entre les juges judicaire et administratif. La multiplication des acteurs n’œuvre pas pour l’objectif de sécurisation affiché et les délais préfix sont louables dans leur principe mais je doute qu’ils seront respectés. »
Outre ces imprécisions, les praticiens déplorent les lacunes de l’accord, qui ne traite pas de certaines questions essentielles telles que l’application des critères d’ordre, l’encadrement de la consultation du CHSCT sur le plan ou encore la délimitation du périmètre de reclassement dans l’entreprise. Le PSE apporte donc plus de confusion qu’il ne participe à l’émergence d’un nouveau modèle social.

Un cap difficile
L’ANI prévoit également la possibilité pour les entreprises de conclure des accords de maintien temporaire dans l’emploi, le temps pour elles de surmonter un cap difficile. En contrepartie d’une augmentation de la durée de travail ou d’une baisse des salaires, l’employeur s’engage à maintenir l’emploi pour une durée au moins égale à celle de l’accord, sans excéder deux ans. Les entreprises ne pourront cependant pas déroger aux règles d’ordre public, dont le salaire minimum ou la durée du travail. Les salariés bénéficieront de plusieurs garanties : maintien de l’emploi pendant la durée de l’accord, mise en place de mesures d’accompagnements pour les salariés ou encore participation des dirigeants aux efforts salariaux. Si ces négociations permettent de trouver des solutions face aux difficultés conjoncturelles, elles ne sont en aucun cas des remèdes lorsque c’est la structure même de l’entreprise qui est affectée. « Lorsqu’une entreprise subit des pertes importantes et que son outil de production est surdimensionné, le problème n’est pas seulement conjoncturel et ce type d’accord ne peut alors constituer une réponse appropriée, souligne Pierre-Alexis Dumont. Il s’agit en effet d’un dispositif ayant pour objet de répondre à des difficultés ponctuelles, venant s’ajouter à ceux déjà existants, comme le chômage partiel. Un tel dispositif ne se substituera pas aux ruptures de contrats et au PSE afférent.?» Si les accords de maintien dans l’emploi figurent comme un progrès social, c’est par ailleurs au prix de contradictions juridiques. «?Le traitement des conséquences d’un refus du salarié semble s’inspirer du texte issu des lois Aubry relatif aux accords de réduction de la durée du travail mais il s’en écarte in fine, au prix de contorsions qui fragilisent sa validité?», conclut l’avocat. La balle est désormais dans le camp du législateur. D’ici le mois d’avril, sa plume devra débarrasser le texte de ses contradictions et juguler les silences – ou aléas juridiques – susceptibles de dégénérer en hémorragie contentieuse.

1 TGI Paris, 25 septembre 2012 n° 12/56657
2 CA Paris, 28 janvier 2013 n° 12/18102
3 Direction régionale des entreprises, de la concurrence,
de la consommation, du travail et de l’emploi
4 Articles L. 1222-7 et L.1222-8 du Code du travail


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