Par François-Luc Simon et Cyrille Garnier, avocats associés. Simon Associés
Instrument de financement incontournable du distributeur en temps de crise pour les uns, mode de structuration ou de contrôle des réseaux de distribution pour les autres, la prise de participation de la tête de réseau au capital du distributeur, quel qu’en soit son objet, connaît un essor grandissant depuis quelques années.

Développée en dehors de tout dispositif législatif spécifique, cette pratique consistant pour une tête de réseau à prendre une participation au sein du capital d’un véhicule distributeur pourrait sembler uniforme. Pourtant, par son caractère multifacette, la mise en place d’une prise de participation dans le capital du distributeur réclame, pour chaque situation, une approche sur mesure reposant sur l’équilibre fragile entre la nécessaire préservation de l’indépendance du distributeur et la volonté de la tête de réseau de s’assurer d’un droit de regard minimum sur la conduite des activités en contrepartie de son investissement en capital.

Investissement dans le véhicule distributeur
Sur un plan plus pratique, la mise en place d’une franchise participative sera fondée, outre le contrat de franchise et les accords y afférents, sur un ensemble contractuel ayant notamment pour objet de définir :
- l’investissement de la tête de réseau et du «?partenaire?» au capital du véhicule distributeur ;
- la gouvernance au sein du véhicule distributeur et les droits d’information spécifique de la tête de réseau ; et
- le contrôle de l’actionnariat du véhicule distributeur et les modalités de sortie de la distribution participative.

Tout le mécanisme de la franchise participative repose sur la participation de la tête de réseau au capital du véhicule distributeur celle-ci intervenant, à la création du véhicule distributeur ou en cours de vie de celui-ci, par augmentation de capital ou cession de titres du véhicule distributeur. Le plus souvent, c’est d’ailleurs la tête de réseau elle-même qui sera à l’origine de la création du véhicule distributeur dont il cédera le contrôle au «?partenaire?» afin d’aboutir, en substance, au schéma ci-contre.

Dans tous les cas, l’investissement de la tête de réseau au capital du véhicule distributeur devra refléter l’équilibre entre la nécessaire indépendance du distributeur de l’essence même de la distribution et la volonté de contrôle de la tête de réseau sur son investissement. En pratique, cet équilibre reposera, le plus souvent, sur :

- une participation minoritaire de la tête de réseau au sein du véhicule distributeur post-conclusion du contrat de distribution ; et

- la mise en place de droits statutaires ou extrastatutaires spécifiques au bénéfice de la tête de réseau dont l’étendue dépendra, en partie au moins, du choix de la structure juridique du véhicule distributeur.

En ce qui concerne la structure juridique du véhicule distributeur, la société par actions simplifiée pourra être choisie en raison de la très grande flexibilité offerte à ses associés notamment dans le choix de son mode d’organisation et de fonctionnement. Véhicule quasi «?sur-mesure?» permettant de refléter au plus près l’intuitu personae des associés, le choix de la société par actions simplifiée permettra de prévoir un certain nombre de clauses à même d’assurer l’équilibre des rapports entre la tête de réseau et son partenaire au sein du véhicule distributeur tant au niveau de la gouvernance du véhicule distributeur que du contrôle de son capital (inaliénabilité temporaire des titres, agrément, préemption, droit de sortie).

Véhicule distributeur : gouvernance et reporting
Alors que l’actionnaire minoritaire n’a en principe qu’un pouvoir de contrôle limité sur la conduite des affaires sociales, l’actionnaire tête de réseau bénéficiera de certains droits politiques lui assurant un contrôle en amont des décisions du véhicule distributeur ou relatives à celui-ci.

La définition et l’étendue des droits politiques de la tête de réseau devront être déterminées avec précision en résistant à la tentation de le faire participer à la gestion opérationnelle du véhicule distributeur : la participation directe de la tête de réseau à la gestion du véhicule distributeur est, rappelons-le, contraire à l’esprit même du commerce associé, qui tire sa qualification du rapport d’indépendance du distributeur vis-à-vis de la tête de réseau. Elle est par ailleurs risquée sur un plan juridique (gestion de fait).

En pratique, un contrôle de la tête de réseau sur la gestion du véhicule distributeur sera assuré par :

- la mise en place, au sein du véhicule distributeur, d’un comité de surveillance auquel les décisions les plus importantes du véhicule distributeur ou relatives à celui-ci lui seront soumises pour autorisation préalable. Ici encore, ce comité au sein duquel la tête de réseau sera majoritaire ne devra en aucun cas avoir de pouvoirs de direction ou se comporter en dirigeant de fait du véhicule distributeur et ses pouvoirs devront en conséquence être énumérés limitativement.

- La création d’un droit d’information renforcé de la tête de réseau par l’insertion de clauses spécifiques dites de «?reporting?» aux termes desquelles le franchisé, en sa qualité de dirigeant du véhicule franchisé, s’engagera à fournir, selon une périodicité définie, diverses informations de nature, comptable, financière, commerciales ou autres à la tête de réseau.

Véhicule distributeur : actionnariat et modalités de sortie
Le succès de tout montage dit de «?distribution participative?» repose en grande partie sur le très fort intuitu personae liant la tête de réseau au distributeur.

Afin de garantir le maintien de ce lien dans le temps, la tête de réseau devra s’assurer que le distributeur ne puisse céder tout ou partie des titres du véhicule distributeur sans accord préalable de sa part grâce à un certain nombre de clauses en droit des sociétés : clauses d’inaliénabilité, de préemption et/ou d’agrément par exemple, à la charge du distributeur. Insérées dans les statuts du véhicule distributeur, leur efficacité sera redoutable puisque toute cession réalisée en violation de l’une ou l’autre de ces clauses sera nulle de plein droit.

On observe cependant que ce lien ne résiste généralement pas à l’épreuve du temps, les causes de rupture étant nombreuses : départ à la retraite ou réorientation professionnelle du partenaire, violation de certains accords contractuels par l’une ou l’autre des parties, désaccord persistant entre tête de réseau et partenaire. C’est pourquoi tout le montage juridique de cette prise de participation devra être orienté, dès sa mise en place, vers la résolution des conflits et, le cas échéant, l’organisation d’une liquidité de la participation de l’une ou l’autre des parties notamment par l’insertion d’une clause de départ dont les modalités seront différentes selon que ce départ soit fautif ou non.

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