À 48 ans, Ketty de Falco est à la tête du petit livre rouge. Elle a pris les rênes de Lefebvre Dalloz dans un moment décisif : le passage à l'ère de l'IA générative. Cette année, le géant de l’édition juridique et fiscale aux 1 200 salariés lance son offre GenIA-L. Décideurs Juridiques a posé trois questions à cette ancienne de Havas et de Kantar pour découvrir comment elle compte faire de ce tournant technologique un succès.
Trois questions à Ketty de Falco (Lefebvre Dalloz)
Décideurs Juridiques. Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour Lefebvre Dalloz ?
Ketty de Falco. Nous poursuivons plusieurs objectifs. Celui de la croissance du chiffre d’affaires, bien sûr, et le renforcement des services à forte valeur ajoutée. Nous venons du code rouge et du memento. On nous réduit d’ailleurs souvent au papier, mais ce n’est pas l’essentiel de notre activité. Nous sommes bien d’autres choses. Le papier, le numérique et la formation. On l’oublie parfois, mais nous sommes le troisième organisme de formation en France. Cette seule activité génère 52 millions d’euros de chiffre d’affaires par an.
À plus long terme, nous devons absolument être présents sur l’environnement de travail de la profession réglementée. Nous devons nous intégrer à leurs outils quotidiens, que ce soit Microsoft Office ou leur ERP. Pour y parvenir, notre stratégie n’est pas de nous équiper en propre de logiciels, c’est un marché assez saturé et nous sommes assez courtisés pour être en mesure de signer des partenariats performants. Comme nous l’avons fait récemment avec Diapaz.
L’IA pourrait changer la donne dans le secteur de l’édition professionnelle. Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre ?
Le secteur de l’information utilise une quantité considérable de contenus. L’IA peut sublimer, remettre en cause l’activité, par exemple lui faire courir des risques. Lefebvre Dalloz s’est engagé dans cette transformation avant que j’arrive. Ce chantier a représenté un énorme travail. Il a fallu embarquer tout le monde en interne. Nous avons acculturé et formé nos 1 200 salariés pour qu’ils puissent s’emparer du sujet.
Avec l’essor de l’open data et l’arrivée d’entreprises comme Harvey aux États-Unis, qui travaillent sur le contenu propriétaire des cabinets d'avocats, les cartes ont été rebattues. Mais si le contexte a changé, notre activité reste centrée sur la valeur ajoutée. Avec l’IA, nous avons pour ambition de rendre l’information plus accessible et plus fluide. Même pour des non-juristes. Allier la techno au contenu, c’est notre force. Notre stratégie est claire : protéger nos contenus et s’assurer de la plus haute qualité possible. L'IA met en évidence les failles. Elle ne souffre pas l’à peu près.
Le développement de l’IA a un coût considérable. Avez-vous redéfini votre positionnement sur les prix compte tenu de l’investissement réalisé ?
C’est une question centrale sur laquelle j’ai beaucoup travaillé. Comme nous étions les premiers, nous ne savions pas comment nos concurrents allaient positionner leur solution.
Pricing, market, éditorial… Tous les aspects ont été pris en compte. Pour conclure à la chose suivante : la valeur de notre produit c’est le gain de temps et de qualité généré pour les clients. Il fallait donc maintenir l’offre au même niveau de prix et travailler les licences d’IA par utilisateur, en se disant que ce sont les licences par utilisateur qui font la différence en termes d’usages pour les clients et de ROI pour Lefebvre Dalloz.
Propos recueillis par Mathilde Aymami