La start-up Supermood, spécialisée dans l’écoute des collaborateurs, a mis en place des congés illimités. Un système qui satisfait les salariés et permet de discuter des objectifs de chacun. Son président et cofondateur, Kevin Bourgeois, revient sur ce dispositif. 

 Décideurs. Pourquoi avoir mis en place des congés illimités ? 

Kevin Bourgeois. Quand nous avons créé Supermood, nous avons très vite défini nos valeurs. Parmi elles, l’autonomie et la responsabilité. Lorsqu’on a commencé à avoir des salariés qui demandaient des congés, nous nous sommes demandé pourquoi il y avait un nombre défini de vacances alors que les gens sont différents et présentent des besoins différents. Après avoir regardé ce qui se faisait ailleurs, en l’occurrence aux États-Unis, nous avons instauré des congés illimités. Depuis, nos collaborateurs doivent prendre leurs cinq semaines de congés auxquelles ils peuvent ajouter des congés illimités.

Pourquoi ne pas avoir choisi un système de RTT ? Quelle forme prennent ces congés ? 

Les RTT posaient la même contrainte que les cinq semaines de congés payés : ils ne répondaient pas à la problématique de la flexibilité. Nos congés illimités sont pris en compte comme des jours de repos. Historiquement, dans une entreprise, quand vous avez beaucoup travaillé, celle-ci peut vous octroyer des jours de repos pour compenser ces heures. Chez Supermood, nous détournons ce principe pour en faire une version moderne. Nos salariés peuvent demander des congés supplémentaires qui, dans 95 % des cas, sont acceptés par leurs managers. 

Quelles sont les conditions pour poser ces jours ? 

Il y a la règle classique du préavis. Les collaborateurs doivent également remplir leurs objectifs. Lorsqu’un manager n’accepte pas les congés, c’est souvent parce qu’il y a une différence de jugement entre la manière dont le collaborateur et le manager perçoivent l’accomplissement des objectifs. Cela fait l’objet de discussion. Ce qui est très sain. Nous n’avons eu que trois cas d’abus sur les poses de congés, ce qui est peu. L’un a été résolu sans problème, un autre a mené à des discussions tendues mais s’est bien fini et le dernier a débouché sur un départ car le collaborateur et le manager n’étaient pas alignés sur les objectifs.

"Ils sont acceptés dans 95 % des cas"

Savez-vous dans quel contexte sont pris ces congés ? 

Les collaborateurs n’ont pas à justifier de leurs prises de congés. Certains posent 5,5 semaines par an, d’autres 10 semaines. Nous avons utilisé Supermood en interne pour mesurer leur niveau de satisfaction. Celui-ci atteint 4,8 sur 5. Trois grandes explications à cela : la flexibilité (j’ai une fuite d’eau ou mon enfant est malade, je pose un jour), la diminution de la charge mentale (si je pose un jour pour un mariage, je n’ai pas à me préoccuper du fait que cela va rogner sur ma semaine de congés de 5 jours à Noël) et le bien-être mental (j’ai travaillé dur pendant trois semaines, j’ai besoin d’une pause pour reprendre mon souffle). Nous avons des profils qui prennent pas mal de congés l’été et tout le monde demande des jours par-ci par-là. Ce qui est amusant, c’est que les salariés ne se rendent pas compte du nombre de jours qu’ils prennent au fil de l’eau. Quand on leur pose la question, ils pensent prendre en moyenne 6,5 semaines de congés par an, alors qu’ils en posent 7,5.

Est-ce que ce système joue sur votre attractivité en tant qu’employeur ? 

Nous avons demandé à nos collaborateurs si cela avait joué dans le choix de rejoindre Supermood. Résultat : 30 % d’entre eux répondent que les congés illimités n’ont eu aucun impact, 20 % disent qu’ils sont venus principalement pour cette raison et 50 % affirment que cela a fait un peu pencher la balance face à une offre équivalente. Cela aide mais ce n’est pas déterminant. En revanche, quand des personnes viennent chez nous elles savent que l’on cultive l’autonomie et la responsabilité.

Que répondez-vous aux dirigeants d’entreprise qui vous interrogent sur votre système de congés ?  

Que cela fonctionne bien quand on dispose d’une culture de l’autonomie et de la responsabilité. Sinon, il ne faut pas se lancer. D’autant qu’il existe d’autres moyens d’augmenter la satisfaction de ses collaborateurs.

Propos recueillis par Olivia Vignaud 

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