L’année 2022 a été très dynamique sur le marché de l’emploi, notamment dans le secteur de la finance. Les acteurs du recrutement ont dû relever un défi de taille : recruter des profils capables d’adaptabilité afin de répondre aux enjeux de transformation durable des entreprises dans un contexte de guerre des talents.

Décideurs. Le monde de la finance évolue et amorce le virage de la responsabilité sociétale ; comment s’illustre cette tendance ?

Romain Boisnard. Les sujets relatifs à la durabilité sont en fort développement dans les secteurs de la finance et du conseil depuis plusieurs mois. Le monde du corporate, de la finance et du conseil s’est beaucoup étoffé de profils capables de développer un plan de décarbonation au sein des entreprises, de mettre en place des "due diligences ESG", une politique RSE, ou encore de développer des fonds thématiques au sujet de l’adaptation climatique, des fonds bio et des fonds à impact. Tout ceci tourne autour d’une même nébuleuse, la notion de développement durable liée à l’investissement socialement responsable. La conséquence pour nous, en tant que cabinet de recrutement, c’est une forte augmentation des demandes de profils de professionnels de la finance pouvant s’adapter à ces nouveaux critères d’investissement et capables de développer des practices sustainability ou climate change. Par exemple, nous travaillons pour de grands institutionnels, des fonds à impact, et avons recruté deux partners sur des sujets d’adaptation climatique. Nous intervenons également sur le recrutement d’un partner sustainability pour un grand cabinet de type "Big Four".

Quels sont les profils de ces candidats ?

Jérôme Pallanca. Il existe une réelle prise de conscience et de véritables changements, notamment depuis les différents événements climatiques que nous avons subis cet été, tels que les incendies ou la canicule. Nous rencontrons de plus en plus de candidats, de différentes séniorités, qui veulent donner plus de sens à leur parcours. Dans les banques, apparaissent désormais des sustainability officers qui oeuvrent à la coordination de l’ensemble de ces sujets. Le monde de manière générale, et la finance de demain seront indéniablement liés à ces causes, avec de nombreux fonds impacts, et il s’agira d’ailleurs probablement d’un prérequis, car les investisseurs sont extrêmement sensibles à leur responsabilité sociétale. Concernant les cabinets d’audit, de nombreux recrutements sont lancés. Plutôt que de perdre des profils en interne, s’opèrent à présent des mobilités des équipes d’audit ou de transaction vers la practice sustainability. Ces mouvements se font aisément aujourd’hui du fait de la demande. Nous rencontrons nombre de personnes qui ont de réelles convictions et nous ont rappelés après un premier contact en ayant réfléchi à nos échanges préalables sur ces thématiques. Ces événements climatiques, de plus en plus nombreux, ont accéléré le processus, et c'est tant mieux.

"Le monde du corporate, de la finance et du conseil s’est beaucoup étoffé de profils capables de développer un plan de décarbonation..."

Les autres pôles du cabinet développent-ils ces sujets ?

J. P. C’est effectivement déjà en cours, nous avons récemment vu un cabinet d’avocats se créer pour traiter ces sujets d’impact et d’économie sociale et solidaire. Côté immobilier, nous avons recruté sur cette pratique ESG également, car dans le domaine de la construction, la question se pose constamment. Le gouvernement intervient par ailleurs à travers des aides à la rénovation pour limiter les déperditions d’énergie. La demande s’est également accentuée dans le conseil en M&A. Cette tendance concerne l’ensemble de la société à un niveau professionnel mais également personnel.

En interne, vous êtes attachés à la RSE, et notamment à l’écologie, quelles mesures avez-vous mises en place ?

R. B. Nous avons adopté un système qui filtre l’eau du robinet grâce à un procédé industriel élaboré qui la purifie des mauvaises particules et vous propose une eau fraîche, gazeuse, etc. Il n’y a plus de transport de bonbonnes ou de bouteilles d’eau et, de ce fait, pas de plastique. De plus, nous respectons les consignes du gouvernement, nos bureaux sont chauffés à 19 degrés.

J. P. Ce sont 75 % de nos effectifs qui viennent au bureau à vélo ou à pied. Nous proposons d’ailleurs à nos salariés, s’ils le souhaitent, de financer l’acquisition d’un vélo électrique pour venir au bureau !

"Nous rencontrons de plus en plus de candidats, de différentes séniorités, qui veulent donner plus de sens à leur parcours"

Cette année, le cabinet fête ses dix ans, quel bilan faites-vous de ces années d’expérience ?

R. B. Notre métier a beaucoup évolué en dix ans, il s’est complexifié du fait des évolutions du marché et de la rareté des candidats. En cause, une compétition accrue entre cabinets de recrutement et des candidats sursollicités. L’évolution de notre métier, c’est avant tout une expertise de plus en plus pointue dans la recherche, et c’est ce que nous mettons en avant auprès de nos clients. Avec l’aide de Jérôme qui a aussi la responsabilité de notre recherche, nous l’avons donc beaucoup étoffée. C’est une expertise sur l’identification des candidats, sur les rapports d’activité. Dans la majorité des cas, nous parvenons à faire preuve d’exhaustivité. Le cabinet a connu de nombreux développements et nous avons créé HTAG Recrutement, une entité juridique. Cette structure est positionnée sur le middle management depuis maintenant six ans. C’était déjà un bel objectif pour nous, et elle se porte bien aujourd’hui. Nous avons par la suite développé des secteurs sur lesquels nous n’étions pas présents, comme l’IT et le digital. Notre ambition est de développer le management de transition et cette réflexion avance.

"Nous avons développé des secteurs sur lesquels nous n’étions pas présents, comme l’IT et le digital"

Comment le marché a-t-il évolué ?

J. P. La crise sanitaire a modifié les modes de travail. Avec le télétravail, les salariés peuvent par exemple travailler depuis la province en venant quelques jours à Paris. Aujourd’hui, les gens restent moins longtemps en poste, et sont mobiles plus facilement. Ces années post-Covid ont été extrêmement dynamiques en matière de recrutement, ce qui a eu pour conséquence une guerre des talents. Les candidats ont été fortement sollicités, entraînant une hausse des salaires, notamment dans le domaine du conseil.

R. B. Concernant les pratiques de recrutement, ce qui a réellement changé ces dernières années, c’est la constitution d’équipes internes de recrutement au sein des entreprises. Le métier s’est beaucoup institutionnalisé : il y a des équipes recrutement chez la plupart des grands corporates ou chez les institutionnels financiers. C’est un peu moins le cas au sein des cabinets d’avocats qui sont souvent des structures de plus petite taille. En tant que prestataires de service et de conseil, lorsque l’on fait appel à nous, c’est qu’une démarche interne de recrutement a déjà été amorcée, et qu’elle n’a pas fourni un résultat satisfaisant. Il s’agit donc forcément de recrutements stratégiques et périlleux, à forte valeur ajoutée. Cela a naturellement entraîné une sélection des acteurs. Ça n’en reste pas moins un métier pointu et passionnant.

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