Avocat cofondateur de la boutique en droit social Avanty, Jean de Calbiac est un expert de la rémunération et des avantages sociaux. Pour Décideurs, il décrypte la proposition de loi du 15 mars 2022 visant à créer un dividende salarié.

Décideurs. Le dividende salarié s’est placé au cœur de la présidentielle. En quoi consiste-t-il ?

Jean de Calbiac. Le projet de loi date de mars  2022 propose deux  mesures majeures: abaisser le seuil de participation de 50 à 11 salariés et corréler le versement de dividendes à des dividendes salariés. Dans les faits, cela implique qu’il ne soit plus possible de verser des dividendes actionnaires sans verser des dividendes salariés. L’objectif est clair : doper la participation et favoriser les salariés à la marge de l’entreprise.

Il est facile d’imaginer que cette mesure crée le consensus. Cependant, quelles en sont les limites ?

Il s’agit d’une bonne mesure qui a l’approbation de tous. Toutefois, elle s’intéresse aux inégalités de revenus et non à celles du capital qui sont pourtant davantage importantes. Durant les quinze dernières années, les actions ont augmenté bien plus que les salaires. Le dividende salarié représente donc une façon sur le court terme de répondre à l’inflation en augmentant le pouvoir d’achat. Cette mesure doit être perçue comme une étape et non une fin en soi.

"L’actionnariat salarié représente une mesure bien plus pertinente sur le long terme que le dividende salarié"

Que peut-on faire pour aller plus loin ?

L’actionnariat salarié ! Ce dispositif est déjà sollicité par les entreprises du CAC 40 ou du SBF 120 mais aussi par les fonds d’investissement et les créateurs de start-up. Aux États-Unis, l’actionnariat salarié est mis en place depuis cinquante ans. Pour les Démocrates, cela est une façon de réduire les inégalités et les Républicains y voient un levier capitalistique.

Comment accélérer le passage vers l’actionnariat salarié en France ?

Il faut le rendre plus simple d’accès. Les mécanismes administratifs peuvent être lourds et longs. En contrepartie, supprimer les taxes sur les PME et laisser la possibilité pour un fond d’investir apparaissent comme des leviers envisageables. Par exemple, nous pourrions espérer pouvoir investir avec l’argent du dividende salarié dans un fonds d’investissement qui pourrait alors s’endetter. Il est important de se positionner sur le long terme à l’aide d’un cadre législatif solide et stable. L’actionnariat salarié représente une mesure bien plus pertinente sur le long terme que le dividende salarié répondant davantage à une problématique conjecturelle.

Propos recueillis par Elsa Guérin

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