Estelle Sauvat a rejoint le Groupe Alpha en 2020 en tant que directrice générale. Pierre Ferracci, président du groupe, a souhaité prendre le temps d’effectuer ce passage de témoin jusqu’en 2024. Ensemble, ils racontent le positionnement du groupe, ses spécificités et les enjeux de cette transmission.

Décideurs. Estelle Sauvat, quelles ont été vos motivations pour rejoindre le groupe en 2020 ?

Estelle Sauvat. Outre le plaisir de travailler avec Pierre, l’enjeu de construire la gouvernance future et la feuille de route sur les transformations internes du groupe était stimulant. J’ai vingt-cinq ans d’expérience en conseil RH. En 2010, j’ai pris la direction générale de Sodie durant une dizaine d’années. J’y ai accompagné des transformations liées aux conséquences de la crise de 2008. C’est en 2017 que j’ai effectué un pas de côté. Tirant les enseignements des moyens réservés aux individus en matière d’accompagnement pour le développement des compétences, il m’apparaissait urgent de trouver des leviers afin de rendre les salariés acteurs de leur transformation individuelle. Dans ce contexte, j’ai rédigé un rapport avec Bertrand Martinot, intitulé « Un capital emploi formation pour tous ». Appelée par Muriel Pénicaud, j’ai mis en œuvre, d’une part, le programme autour du plan d’investissement dans les compétences et, d’autre part, le compte professionnel de formation. J’ai rédigé un dernier rapport européen autour des PGE compétences en 2018. Lorsque Pierre Ferracci m’a demandé de revenir dans le groupe en 2020, nous avons longuement mûri cette décision, conscients du temps nécessaire à la construction de cette transmission.

 " Le bilan d’un fondateur se juge à l’aune de la qualité du passage du témoin "

Le Groupe Alpha s’adresse aussi bien aux salariés qu’aux employeurs. Comment en avez-vous fait un atout ?

Pierre Ferracci. C’est un axe fort du développement du groupe depuis son origine. Il revendique haut et fort le fait de travailler avec l’ensemble des parties prenantes : IRP, CSE, organisations syndicales et décideurs privés ou publics. En s’adressant aux seules IRP, on exclut ceux qui ont les commandes. Pour parvenir à des décisions structurantes, il faut se rapprocher de la direction.  À l’inverse, si l’on néglige le social au profit de l’économie, l’entreprise n’est en bonne santé que pour un temps limité. Les organisations au sein desquelles la négociation prime sur le conflit sont celles qui se portent le mieux. L’entreprise doit être un lieu d’équilibre. Là où nous intervenons, nous développons des valeurs auxquelles nous tenons et qui constituent notre socle : la performance économique de l’entreprise mais aussi la sécurité des salariés et la prise en compte des enjeux environnementaux. Nous sommes les femmes et les hommes d’un compromis exigeant et équilibré. Aujourd’hui, cette approche est davantage reconnue qu’hier : le choix effectué par le groupe il y a vingt ans est à présent dans l’air du temps.

E. S. Le risque de fragmentation de la société est aussi perceptible dans certaines entreprises. Nous interagissons avec l’ensemble des acteurs pour traiter les déséquilibres émergents et apporter des solutions concrètes au traitement de certaines inégalités dans les organisations. Pour y parvenir, nous objectivons les situations, tout en rapprochant les différents points de vue. Mais, c’est aussi en faisant bouger les lignes que nous nous distinguons de beaucoup d’autres acteurs du marché. Hier, nous étions avant-gardistes, du fait de ce positionnement original, aujourd’hui, nous sommes un groupe, dont l’utilité sociale, de par ce mode d’intervention, est fortement reconnue !

Comment préparez-vous la transmission ?

E. S. Pierre et moi avons échangé durant deux mois. Par la suite, je me suis entourée d’une équipe de quatorze collaborateurs pour m’accompagner. Il nous fallait d’abord travailler sur le virage que nous souhaitions entreprendre au sein du groupe, assumer notre positionnement et notre raison d’être. Nous avons pour objectif de déterminer le sens commun de l’entreprise d’ici la fin de l’année. Nous nous intéressons également au monde d’après : quel est le terrain sur lequel nous devons œuvrer ? La recherche d’équilibre se joue entre le social et l’économique et les impératifs écologiques doivent également trouver leur place. Des chantiers de transformation au sein même du groupe sont à l’œuvre. J’ai la volonté d’embarquer avec moi la nouvelle gouvernance opérationnelle, c’est une étape importante. Nous avons engagé dix chantiers de transformation opérationnelle qui sont tous à l’œuvre aujourd’hui au sein du groupe. Une approche participative des salariés, à travers des remue-méninges, nous a aidés à les ajuster et nous avons lancé une réflexion sur la raison d’être du groupe. Parmi certaines transformations majeures, nous avons signé, cette année et dans toutes les entreprises du groupe, nos accords de télétravail et nous poursuivons cette dynamique autour des enjeux de partage de la valeur, à travers plusieurs accords. Parce que ce groupe est par ailleurs détenu par son fondateur ainsi que par le management et les salariés, nous veillons perpétuellement à construire et à développer un modèle qui fait sens pour ses collectifs. Cela se traduit depuis près de quarante ans, avec la même pertinence, dans le cadre de nos missions pour nos clients.

P. F. Le bilan d’un fondateur se juge à l’aune de la qualité du passage de témoin. Nous concernant, nous avons décidé d’une transmission progressive sur quatre ans. Il faut d’abord être clair sur l’échéance. En 2013, j’ai annoncé que je céderai la direction générale du groupe en gardant la présidence jusqu’en 2019. Les ordonnances Macron m’ont obligé à décaler cette échéance à 2020. Par ailleurs, le partage des responsabilités avec la nouvelle direction générale doit être transparent. J’accompagne Estelle sur ses fonctions avec une gestion de présidence à mi-temps. Une forme d’osmose doit s’effectuer afin de laisser les coudées franches à la direction. L’équilibre dans la détention du capital est également crucial. Le Groupe Alpha est détenu principalement par moi mais les associés ont déjà 37 % à 38 % du capital et les salariés 8 % à 9 %. Il faut donc veiller à ce qu’on ne passe pas du contrôle du capital par une seule personne à un partage majoritaire. J’ai donc constitué une équipe dirigeante autour d’Estelle qui détiendra une part significative du capital, à côté des autres associés. Je transmettrai par ailleurs 25 % du capital à une fondation actionnaire. Cela a plusieurs objectifs : montrer que le Groupe Alpha s’engage pour l’intérêt général et favoriser une transmission en douceur. À ce titre, le choix de la nouvelle direction y participe et il était important de trouver une personne ayant une forte capacité fédératrice. J’ai fait le bon choix avec Estelle.

Propos recueillis par Elsa Guérin

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