Le travail dissimulé ainsi que les problématiques liées à la santé et la sécurité au travail font de plus en plus l’objet de contentieux. Les associés du pôle droit social et du pôle pénal du cabinet FTMS livrent leur regard sur le droit pénal du travail et leurs conseils en la matière. Obligation de sécurité de l’employeur, pédagogie sur la délégation des pouvoirs, autant de sujets phares dans l’évolution du droit du travail.

Décideurs. Quelle est la valeur ajoutée du cabinet FTMS en matière de droit pénal du travail ?

Olivier Angotti, Mathias Chichportich, Sabrina Kemel et Jean Neret. L’évolution des procédures en droit du travail traduit une pénalisation croissante des comportements. Cela suppose d’être en capacité de maîtriser les règles de droit du travail à l’aune de la procédure pénale. Il existe d’excellents cabinets d’avocats spécialisés en droit pénal comme en droit du travail. La singularité de FTMS est d’allier deux départements reconnus pour leur expertise et leur maîtrise des arcanes judiciaires :

- le pôle pénal qui se compose de quatre collaborateurs et de deux associés, Pierre-Olivier Sur et Mathias Chichportich ;

- le pôle de droit du travail composé de quatre collaborateurs, d’une counsel, Isabelle Pontal et de trois associés, Jean Néret, Olivier Angotti et Sabrina Kemel.

Être capable à tout moment d’interpeler une autorité administrative, judiciaire, gouvernementale, remettre en cause une règle de droit non conforme à notre constitution, cela suppose une expertise et une profondeur d’analyse qui ne peut naître que du concours entre des spécialistes de leur matière propre. La maîtrise d’un tel dossier suppose d’être rompu aux règles du droit du travail, mais il est également indispensable de maîtriser les diverses facettes de la procédure pénale.

Comment accompagnez-vous vos clients ?

Accompagner, c’est d’abord anticiper. Anticiper l’accident ou l’infraction en partageant nos retours d’expérience, notre analyse du contexte réglementaire mais aussi notre pratique de la justice, en veillant à mettre en valeur le sérieux et le caractère volontariste de la politique de prévention mise en œuvre par l’entreprise. Accompagner, c’est aussi anticiper, lorsque l’accident survient et lors de l’enquête préliminaire, les points de faiblesse du dossier qui nécessiteront une présentation, une mise en contexte, une réflexion. Accompagner, c’est préparer le délégataire de pouvoirs et la personne morale à la phase judiciaire du dossier en préparant avec eux le procès pénal et notamment la phase d’instruction à l’audience, souvent méconnue des délégataires de pouvoirs qui pensent souvent à tort que c’est leur avocat qui répondra aux questions du tribunal.

L’accompagnement, c’est être capable de répondre de façon exacte aux interrogations légitimes des autorités de poursuites ou de jugement. Enfin, accompagner c’est aussi être disponible à tout moment pour ses clients. Ces dossiers génèrent des enjeux humains significatifs qui nécessitent une écoute et une disponibilité sans faille.

Quelles sont les infractions les plus fréquentes en matière de droit pénal du travail ? Le contexte de crise sanitaire a-t-il fait apparaître de nouveaux cas de figures ?

L’une des spécificités de notre pôle, créé par Jean Néret en 1990 au sein du cabinet Jeantet, est d’intervenir en matière de droit pénal du travail pour le compte des grands groupes et des PME. L’un des secteurs d’activité au sein duquel nous intervenons en majorité étant l’industrie, nous sommes régulièrement sollicités par nos clients en cas d’accidents graves du travail.

Depuis quelques années, et du fait de la pénalisation du droit du travail, nous voyons émerger des contentieux pénaux en matière de santé et sécurité au travail (harcèlement moral, harcèlement sexuel notamment), mais aussi de travail dissimulé. Nous intervenons ainsi de plus en plus dans le cadre de problématiques d’emploi de travailleurs étrangers sans titre de séjour, de prêt de main-d’œuvre illicite, de délit de marchandage, mais aussi à la suite de plaintes pour harcèlement moral ou sexuel dans le cadre de la relation de travail.

"L’évolution des procédures en droit du travail traduit une pénalisation croissante des comportements"

Observez-vous des tendances ?

Nous observons, depuis plusieurs années, une augmentation du nombre de contentieux sur deux sujets majeurs : le travail dissimulé et les problématiques de santé et sécurité au travail. La crise sanitaire a notamment augmenté le nombre de contentieux, pénaux et prud’homaux, pour travail dissimulé liés à l’activité partielle et aux contrôles qui y sont associés. Ces contrôles consistent, soit en des demandes d’informations (liste du personnel en activité partielle, coordonnées des élus du personnel et des salariés, accès aux relevés téléphoniques pendant la période d’activité partielle…), soit en des contrôles directement sur site (audition du personnel). Plusieurs de nos clients ont été auditionnés par les services de l’Inspection du travail dans le cadre d’auditions pénales libres pour avoir commis ou tenté de commettre l’infraction de travail dissimulé. À ce jour, aucun contrôle n’a encore abouti à des poursuites pénales devant la juridiction correctionnelle. Loin d’une dépénalisation du droit du travail, il faut s’attendre à ce que les contrôles débouchent sur un accroissement des sanctions, en fréquence et en sévérité.

Ce que nous observons également, c’est l’explosion des plaintes des salariés pour harcèlement moral dans le seul but de servir une stratégie prud’homale. Il est rare qu’une plainte pour harcèlement moral porte ses fruits mais il est vrai que le juge prud’homal interroge souvent les salariés, dans le cadre de contentieux pour harcèlement, sur le point de savoir s’ils ont déposé plainte. C’est une façon d’apprécier la crédibilité des accusations qui sont portées.

Quelles sont vos recommandations aux chefs d’entreprise pour prévenir les risques en matière d’infraction liés au harcèlement moral ? Faut-il toujours mener une enquête ?

Nombreux sont les dirigeants qui craignent d’exposer leurs salariés à des risques professionnels sans réussir à les identifier ou sans disposer de moyens de prévention et de protection efficaces. En matière de harcèlement moral, il appartient à l’employeur d’adopter une politique de prévention des risques et de former ses collaborateurs. La formation permet de sensibiliser, d’apprendre à détecter et à savoir quand alerter sur de tels agissements que l’on soit victime, témoin, supérieur hiérarchique ou collaborateur. La formation des managers, qui sont en position d’autorité, ne doit pas être négligée. Nous nous apercevons que, bien trop souvent, les managers n’ont pas conscience de ce que leur comportement peut caractériser des faits de harcèlement moral. Au-delà de la prévention, il convient aussi de savoir réagir lorsqu’un salarié fait état de faits de harcèlement moral et qu’il apporte des faits précis. Bien que l’enquête interne ne soit pas une obligation légale, elle permet à l’employeur de faire la lumière sur les allégations portées si bien qu’il est délicat de s’en dispenser. L’absence d’enquête ou l’enquête tardive constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En pratique, nous conseillons à nos clients d’associer les représentants du personnel afin que l’enquête n’encoure pas la critique, ou, selon les situations, de faire appel à un organisme externe agréé par le ministère du Travail. Mais l’objectif n’est pas de diligenter une enquête dès qu’un salarié sort la carte du harcèlement moral. Encore faut-il que ce dernier apporte des faits précis permettant à l’employeur de diligenter une enquête et d’auditionner les bonnes personnes.

Quels sont vos conseils en matière de délégation de pouvoirs ?

Le plus souvent, la délégation de pouvoirs est mal comprise par ceux-là mêmes qui l’ont signée. Ils y voient un transfert de responsabilité pénale de la part de leur responsable hiérarchique. Un gros travail de pédagogie doit être effectué à cet égard car les délégataires de pouvoirs ignorent par exemple que la Cour de cassation condamne les employeurs qui n’ont pas délégué, alors que la taille de leur entreprise ne leur permet pas de veiller personnellement à l’application des règles de sécurité en son sein.

Entretien avec Sabrina Kemel, Jean Neret, Olivier Angotti et Mathias Chichportich, avocats associés, FTMS

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