Nouvel épisode dans le feuilleton Veolia Suez
Le 9 octobre dernier, le tribunal judiciaire de Paris avait ordonné que la cession à Veolia par Engie de 29,9% de ses parts dans Suez s’inscrive dans un projet industriel plus large. Or, comme le rappelait Zoran Ilic, dans une interview accordée à Décideurs, le rachat par le groupe d’Antoine Frérot de son principal concurrent risquait d’entraîner "une réorganisation des activités de Suez et la cession de certaines d’entre elles". Des conséquences si lourdes qu’elles nécessitaient, selon l’associé du cabinet Brihi-Koskas et conseil des salariés de Suez, "d’organiser l’information et la consultation des comités sociaux et économiques [CSE]".
Le tribunal avait donné raison à ces derniers en décidant de "la suspension des effets" de la cession. Une décision dont Veolia et Engie avaient fait appel mais confirmée, ce jeudi, par la Cour d’appel de Paris. Soulignant "le caractère conservatoire" de la suspension, la Cour a estimé que les mesures ordonnées par le tribunal judiciaire n’étaient "ni de nature à affecter le droit de propriété de Veolia sur les actions acquises, ni entraver sa liberté d’entreprendre, ni porter atteinte au droit de la concurrence". En revanche, "l’absence d’information et de consultation des comités sociaux et économiques" constituait "un trouble manifestement illicite". Signe pour l’avocat des CSE des métiers de l'eau que "chacun ne peut plus aujourd’hui feindre d’ignorer les effets potentiellement destructeurs sur l’emploi pour les victimes d’une opération de rachat".
L'arrêt de la Cour d'appel de Paris "replace le dialogue social au cœur des opérations capitalistiques"
La confirmation par la Cour d’appel des termes de l’ordonnance de référé rendu par le tribunal judiciaire Paris a peu de chance de voir Veolia renoncer à son projet. Cependant, pour Zoran Ilic, elle "replace le dialogue social au cœur des opérations capitalistiques". Comme rappelé par la Cour, Veolia et Engie disposent, en effet, d’un délai de "trois mois à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail" pour transmettre l’ensemble des éléments susceptibles de lever les inquiétudes des salariés et de leurs représentants. Mais, plus largement, cet arrêt est "conforme à la loi Pacte qui a redéfini la raison d’être des entreprises en rappelant que leur gestion doit dorénavant tenir compte des intérêts sociaux".
En attendant, la guerre entre les deux géants du traitement de l'eau et des déchets se poursuit. Une décision du tribunal de commerce de Nanterre, rendue elle aussi jeudi, interdit à Suez de prendre toute initiative qui rendrait irrévocable le dispositif plaçant ses activités Eau en France dans une fondation de droit néerlandais. Affaire à suivre donc...
Marianne Fougère