Bien souvent considérée comme un oxymore, l’éthique des affaires donne l’occasion aux entreprises de réinventer leur rôle dans la société sans renoncer aux profits. La preuve avec Ben & Jerry’s qui a fait de l’activisme sa marque de fabrique.

La mort, en mai dernier, de George Floyd a suscité une vague d’indignation jusque dans le monde économique. Ainsi, Adidas a promis de recruter "des Noirs et des Latinos à hauteur de 30 %" sur le territoire américain. Quant au groupe L’Oréal, il a décidé "de retirer les mots blanc/blanchissante, clair de tous ses produits destinés à uniformiser la peau". Mais, ces marques de soutien se sont presque systématiquement attirées les foudres des consommateurs. D’où la surprise de nombreux observateurs quand, au lendemain du "meurtre de George Floyd", l’appel au démantèlement de la "suprématie blanche" lancé par Ben & Jerry’s a reçu un accueil enthousiaste.

Raison d’être avant l’heure

Il faut dire que le glacier, créé en 1978 par Ben Cohen et Jerry Greenfield, peut difficilement être accusé de faire de la récupération. Déjà en 1988, les associés donnaient à leur entreprise la "mission sociale" d’"user du pouvoir du business pour s’affronter aux problématiques socio-environnementales" et transformaient leurs produits en ­véritables étendards. Depuis la barre glacée Peace Pop – qui demandait au gouvernement fédéral de consacrer 1% du budget alloué à la défense à des projets promouvant la paix, les recettes Ben & Jerry’s attirent l’attention des gourmands sur la question du financement populaire de la démocratie états-unienne (Empower Mint), la problématique du réchauffement climatique (Save our Swirled) ou encore la reconnaissance légale du mariage entre des personnes de même sexe (I dough, I dough).

Le business case de l’activisme

Décalées, les campagnes ne perdent pas pour autant le sens des affaires. Les petits pots de crème ont rapporté l’an dernier, et rien que sur le territoire américain, pas moins de 681,5 millions de dollars. Une ambiguïté que certains pensaient voir disparaître lors du rachat de l’entreprise par Unilever… Mais le duo de fondateurs s’est battu pour que le contrat d’acquisition contienne une clause obligeant Ben & Jerry’s à consacrer, chaque année, 1,1 million de dollars ou plus dans la promotion de la justice sociale.

Se mobiliser autour de la lutte contre les inégalités raciales n’est pas chose aisée au regard du peu de diversité dans les équipes de Ben & Jerry’s.

Cependant, il ne s’agit pas de limiter l’activisme de l’entreprise aux seuls dons généreux. Il a été institutionnalisé par la création d’un département dédié et d’un poste d’activism manager. Chris Miller, un ancien de Greenpeace, et son équipe sont donc chargés de nouer des partenariats avec des organisations et de mettre au service de causes "qui [leur] tiennent à cœur" une expertise en termes de communication, réseaux sociaux ou marketing.

Yes, we care

Les campagnes ne sont pas choisies au hasard ou "dictées par la foule". Miller affirme ne pas réfléchir "à ce qui préoccupe [leurs] clients" mais aux "changements qu’[ils] souhait[ent] voir pour le futur". Y compris au sein de sa propre entreprise ? Car, pour celui qui confie apprécier s’engager "pour des choses qui sont importantes – et non uniquement pour celles qui sont simples", se mobiliser pour la réforme du système judiciaire ou la lutte contre les inégalités raciales n’est pas chose aisée au regard du peu de diversité dans les équipes de Ben & Jerry’s.

Le changement commence donc en interne. L’entreprise réfléchit au moyen de sourcer ses ­ingrédients auprès de sociétés appartenant à des Noirs. Elle supprime de son formulaire de candidature les questions relatives aux antécédents judiciaires. Elle s’assure que ses sous-traitants garantissent de plus grandes opportunités aux personnes qui rencontrent de sévères barrières à l’embauche. Elle imagine un système de prêt à destination de ses employés. Toutes ces petites actions, embrassées en 2012 par la certification B-Corp, ne mettent pas à l’abri de certains faux pas et de possibles controverses. Elles dessinent, cependant, une conception des affaires fondée sur un modèle de "prospérité mutuelle" qui rend Ben & Jerry’s solidaire de ses employés, de ses fournisseurs, des consommateurs, de la société… et inversement.

Marianne Fougère

 

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